La liberté de l’information

jeudi 9 janvier 2025
par  Julien Daget

L’information (thème du deuxième trimestre du programme d’EMC en seconde)


L’évolution de la liberté de la presse en France

Droits de l’homme et du citoyen, 1789

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

Article 11, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789. → https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/declaration-des-droits-de-l-homme-et-du-citoyen-de-1789

Résultat : Les pamphlets de la fin du XVIIIe


Censure bonapartiste, 1800

Les consuls de la république, considérant qu’une partie des journaux qui s’impriment dans le département de la Seine sont des instrumens dans les mains des ennemis de la république ; que le gouvernement est chargé spécialement, par le peuple français, de veiller à sa sureté, arrêtent ce qui suit :
Art. 1er. Le ministre de la police ne laissera, pendant toute la durée de la guerre, imprimer, publier et distribuer que les journaux ci-après désignés : [13 titres, interdisant 60 autres].
II. Le ministre de la police générale fera incessamment un rapport sur tous les journaux qui s’impriment dans les autres départemens.
III. Le ministre de la police veillera à ce qu’il ne s’imprime aucun nouveau journal, tant dans le département de la Seine, que dans les autres départemens de la république.
IV. Les propriétaires et rédacteurs des journaux conservés, par le présent arrêté, se présenteront au ministre de la police, pour justifier de leur qualité de citoyens français, de leur domicile et de leur signature, et promettront fidélité à la constitution.
V. Seront supprimés, sur le champ, tous les journaux qui inséreront des articles contraires au respect dû au pacte social, à la souveraineté du peuple et à la gloire des armées, ou qui publieront des invectives contre les gouvernemens et les nations amies ou alliées de la république, lors même que ces articles seraient extraités des feuilles périodiques étrangères.

Arrêté du 27 nivôse an VIII (17 janvier 1800). → https://digitale-sammlungen.de/en/view/bsb10487387?page=82


Loi sur la liberté de la presse, 1881

Article premier. – L’imprimerie et la librairie sont libres.
Article 3. – Tout écrit rendu public, à l’exception des ouvrages de ville ou bilboquets, portera l’indication du nom et du domicile de l’imprimeur, à peine, contre celui-ci, de 3 750 euros d’amende.
La distribution des imprimés qui ne porteraient pas la mention exigée au paragraphe précédent est interdite et la même peine est applicable à ceux qui contreviendraient à cette interdiction.
Une peine de six mois d’emprisonnement pourra être prononcée si, dans les douze mois précédents, l’imprimeur a été condamné pour contravention de même nature.
Article 5. – Tout journal ou écrit périodique peut être publié sans déclaration ni autorisation préalable, ni dépôt de cautionnement.
Article 13. – Le directeur de la publication sera tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception, les réponses de toute personne nommée ou désignée dans le journal ou écrit périodique quotidien sous peine de 3 750 euros d’amende sans préjudice des autres peines et dommages-intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.
En ce qui concerne les journaux ou écrits périodiques non quotidiens, le directeur de la publication, sous les mêmes sanctions, sera tenu d’insérer la réponse dans le numéro qui suivra le surlendemain de la réception.
Cette insertion devra être faite à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée, et sans aucune intercalation.
Article 23. – Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet.
Article 24. – Seront punis de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes :
1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;
2° Les vols, les extorsions et les destructions, dégradations et détériorations volontaires dangereuses pour les personnes, définis par le livre III du code pénal.
Ceux qui, par les mêmes moyens, auront directement provoqué à l’un des crimes et délits portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation prévus par le titre Ier du livre IV du code pénal, seront punis des mêmes peines.

Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6223338n/f1 (version de 1881)
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722 (version actuelle)


Lois contre l’anarchisme, 1893-1894


Censure en temps de guerre, 1914-1919 & 1939-1944

  • Loi du 5 août 1914 réprimant les indiscrétions de la presse en temps de guerre (→ https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2207815/f481) ;
  • circulaire du ministre de la Guerre Millerand du 19 septembre 1914, interdisant « les articles de fond attaquant violemment le gouvernement ou les chefs de l’armée » et ceux « tendant à l’arrêt ou à la suppression des hostilités » ;
  • décret du 24 août 1939 autorisation la saisie et la suspension des publications de nature à nuire à la défense nationale. (→ https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6577431f/f3.zoom).

Programme du CNR, 1944

4. Afin d’assurer :
– l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel ;
– la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
– la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
– la liberté d’association, de réunion et de manifestation ;
– l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
– le respect de la personne humaine ;
– l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi ;

Conseil national de la Résistance, Les Jours Heureux, programme d’action de la Résistance, 1944.

D’où :


Déclaration des devoirs et des droits des journalistes, 1971

Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain.
Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.
La mission d’information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici.
Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l’exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l’indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l’objet de la déclaration des droits qui suit.

Déclaration des devoirs
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :
1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ;
2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ;
3) publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ;
4) ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ;
5) s’obliger à respecter la vie privée des personnes ;
6) rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
7) garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ;
8) s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ;
9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;
10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.

Fédération européenne des journalistes, Déclaration des devoirs et des droits des journalistes (Charte de déontologie de Munich), 24 novembre 1971. → https://eeas.europa.eu/archives/delegations/tunisia/documents/page_content/charte_munich1971_fr


Loi Pleven, 1972

Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 2000 F à 300000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

Loi n° 72-546 du 1er juillet 1972 relative à la lutte contre le racisme, article 1er, publiée au JORF du 2 juillet 1972. → https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000864827/


Loi Gayssot, 1990

Article premier. - Toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite.

Loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe. → https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000532990


Loi contre le terrorisme, 2014

Le fait de provoquer directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l’apologie de ces actes est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 € d’amende.
Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100000 € d’amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
Lorsque les faits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme. → https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029755573



Manon Bril, « Comprendre la lutte contre les discours sexistes, racistes, homophobes... », AmnystieFrance, 20 janvier 2019. → https://www.youtube.com/watch?v=gSjkG05hTro