Doc. – L’information en temps de guerre

« Bluffikulture » allemande : pas un sujet pour les pigeons
dimanche 11 juin 2023
par  Julien Daget

Consignes : en analysant et en confrontant les documents, vous montrerez qu’en cas de conflit la première victime est la vérité, que ce soit à propos des combats, des responsabilités, ou de culture. L’analyse des documents constitue le cœur de votre travail, mais nécessite pour être menée la mobilisation de vos connaissances.
Méthode : l’étude critique


Eugène Damblanc, « Bluffikulture », Le Petit Journal : supplément illustré, n° 1 265, 21 mars 1915. → https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k717149p
Sur tous les papiers : « Victoire allemande ».

Mensonges allemands L’hypocrisie d’un peuple. – Une arme allemande. – Le mensonge à jet continu.

L’Allemagne a élevé le mensonge à la hauteur d’une institution d’État. Et ce n’est pas d’aujourd’hui. Jugez-en plutôt par ces lignes qu’écrivait le grand polémiste Louis Veuillot, à la date du 25 novembre 1870 :
« Ils mentent à Dieu, disait-il alors des Allemands, ils mentent aux hommes, ils se mentent. Ils livrent l’intelligence à la matière qui l’opprime et détruit lui-même comme toute force inférieure tirée de son rang ; ils transforment les peuples en machines à broyer les peuples ; ils renversent la civilisation, ils restaurent la destruction antique, et ils célèbrent leur sagesse, leur science et même leur humanité. Ce que l’Europe, naguère considérait comme l’opprobre de la culture païenne et de la force barbare, ils en font leur gloire, et ne le voient pas ou ne s’en soucient pas. Le bélier furieux qui frappe les cathédrales blâmera la brutalité d’un Cambyse ; le vainqueur qui fusille les paysans, bombarde les villes ouvertes, emmène captifs les citoyens ; le prince qui combat de la sorte après la victoire et qui coupe le poignet du vaincu affamé, osera flétrir la cruauté d’un César. Quant à lui, il remercie le ciel de l’avoir choisi pour être le vengeur de la justice, le prince de la paix, l’honneur de l’humanité. En effet, roi magnanime ! Mais vous êtes plus certainement encore le grand hypocrite de votre âge fécond en hypocrisies : entre tous ceux qui ont commis de grands crimes, aucun n’en a davantage renvoyé le mérite à Dieu.
Après le mensonge de l’hypocrisie prussienne, tout autre paraît tolérable... »
Ces lignes semble d’aujourd’hui, tant elles caractérisent l’actuelle mentalité des Allemands. Ce prince, dont parle Veuillot, ce prince qui est « le plus grand hypocrite de notre âge fécond en hypocrisies », n’est-ce pas exactement Guillaume II ? Non ! Ces hypocrites qui brûlent, qui pillent, qui détruisent les cathédrales tout en célébrant sans cesse leur sagesse, leur science et leur humanité, ce sont les Boches d’il y a quarante-quatre ans. Ce roi qui fait constamment hommage de ses forfaits à Dieu, à son dieu familier, c’est Guillaume Ier, grand-père du Guillaume d’aujourd’hui.
Et vous voyez par là qu’en un demi-siècle, les Boches n’ont pas changé. Ils mentent aujourd’hui comme ils mentaient alors. Au début de la campagne, ils avaient crié bien haut qu’ils ne détruiraient pas les monuments de l’art. À la date du 8 septembre, un de leurs plus grands journaux écrivait : « Respectons les cathédrales fameuses, celle de Reims, notamment, qui est une des plus belle basiliques du monde. Depuis le moyen âge, elle est particulièrement chère aux Allemands... » Et vous savez ce qu’ils ont fait de cette cathédrale qui leur est « particulièrement chère ». Vous savez ce qu’ils ont fait de ces merveilles d’art qui s’appellent Louvain, Malines, Ypres et Arras.
Le mensonge est, comme le mortier de 420, une arme allemande, une arme kolossale qu’ils excellent à manier. Et c’est une arme à deux tranchants dont ils se servent à la fois pour justifier leurs actes aussi bien à leurs propres yeux qu’aux yeux de l’étranger.
C’est ainsi que, voulant la guerre contre la France, ils s’assurèrent par un mensonge, l’occasion de la déclarer.
Le 2 août dernier, le ministre allemand en Belgique, Herr von Below, apportant au gouvernement belge la sommation d’avoir à laisser passer l’armée allemande à travers le pays, affirmait que l’Allemagne ne pouvait plus éviter la guerre avec la France, attendu qu’elle avait été attaquée. Des dirigeables français avaient jeté des bombes ; une patrouille de cavalerie, violant le droit des gens, avait traversé la frontière.
– Où donc, demanda le ministre belge, ces faits se sont-ils passés ?
Below ne crut pas devoir préciser, il avait de bonnes raisons pour cela.
– En Allemagne, se contenta-t-il de répondre.
Mais le mensonge était lancé. Les troupes allemandes entrèrent en campagne avec la conviction que la France était la provocatrice. Après plus de sept mois de guerre, elles continuent à ignorer la vérité. […]
Mais où le mensonge allemand s’en donne à plaisir, c’est dans « les nouvelles de guerre » affichées en Belgique et en France dans les villes occupées. […] Les Allemands manquent de tact et de mesure en tout, jusque dans le mensonge. Ce n’est qu’une suite ininterrompue de victoires. Sur le front oriental comme sur le front occidental, leurs armées n’enregistrent que des succès, capturent des prisonniers par milliers, font un butin incalculable de matériel de guerre et n’éprouvent par contre que des pertes insignifiantes.

Ernest Laut, « Mensonges allemands », Le Petit Journal : supplément illustré, n° 1 265, 21 mars 1915, p. 46. → https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k717149p/f2


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