Doc. : discours d’Himmler à Posen

mercredi 26 juillet 2017
par  Julien Daget

Ce sujet d’analyse de document est tombé lors de l’épreuve anticipée du bac en S le 19 juin 2012.
Consigne : après avoir présenté l’auteur et situé le document dans son contexte, montrez son apport pour la connaissance de la politique allemande d’asservissement et d’extermination.
Méthode : l’étude critique


Un principe doit servir de règle absolue aux SS : nous devons être honnêtes, corrects, loyaux et bons camarades envers les gens de notre sang, à l’exclusion de tous les autres. Ce qui arrive aux Russes ou aux Tchèques ne m’intéresse absolument pas. Le sang de bonne qualité, de même nature que le nôtre, que les autres nations peuvent nous offrir, nous le prendrons, et, si besoin est, nous leur enlèverons leurs enfants et les élèverons chez nous. Il m’est totalement indifférent de savoir si les autres peuples vivent prospères, ou crèvent de faim. Cela ne m’intéresse que dans la mesure où ces peuples nous sont nécessaires comme esclaves de notre culture. Que dix mille femmes russes crèvent en creusant un fossé antichars, cela m’est totalement indifférent, pourvu que le fossé soit creusé pour l’Allemagne. […]

Je voudrais aussi vous parler très franchement d’un sujet extrêmement important. Entre nous, nous allons l’aborder franchement, mais en public, nous ne devrons jamais en parler, pas plus que du 30 juin 1934 [1], date à laquelle nous n’avons pas hésité à faire notre devoir comme on nous l’avait ordonné, et à mettre nos camarades qui s’étaient montrés indignes, contre un mur et à les exécuter. C’était pour nous une question de tact de n’en avoir pas discuté, de n’en avoir pas parlé. Chacun en a été effrayé, et pourtant, chacun sait qu’il le fera à la prochaine occasion, si on lui en donne l’ordre et si cela est nécessaire.

Je voudrais parler de l’évacuation des Juifs, de l’extermination du peuple juif. Voilà une chose dont il est facile de parler. « Le peuple juif sera exterminé » dit chaque membre du Parti, « c’est clair dans notre programme : élimination des Juifs, extermination : nous le ferons ». Et puis, ils arrivent, 80 millions de braves Allemands, et chacun a son « bon » Juif. « Évidemment les autres sont des porcs, mais celui-là est un Juif de première qualité ». Pas un de ceux qui parlent ainsi n’a vu ce qui se passe. Pas un n’était sur place. La plupart d’entre vous savent ce que c’est que de voir un monceau de 100 cadavres ou de 500 ou de 1 000. Être passé par là, et, excepté les cas de faiblesse humaine, en même temps, être resté correct, voilà qui nous a endurcis. C’est une page de notre histoire qui n’a jamais été écrite et ne le sera jamais, car nous savons combien il serait difficile pour nous aujourd’hui – sous les bombes, les privations et pertes de guerre – d’avoir encore des Juifs dans chaque ville agissant comme saboteurs, agitateurs et fauteurs de troubles. Si les Juifs étaient encore logés dans le corps de la Nation allemande, nous aurions à l’heure qu’il est, atteint le niveau de 1916-1917.

Les richesses qu’ils possédaient, nous les leur avons enlevées. J’ai donné un ordre formel, qui a été exécuté par le SS Obergruppenführer [2] Pohl pour que ces richesses soient bien sûr intégralement transmises au Reich. Nous n’avons rien pris pour nous-mêmes. Ceux qui ont fauté seront punis conformément aux ordres que j’ai donné au départ, précisant que quiconque s’approprie le moindre mark de cet argent, est un homme mort. Un certain nombre de SS – ils ne sont pas très nombreux – ont commis ce crime, et ils mourront. Il n’y aura pas de pitié. Nous avions le droit moral, nous avions le devoir envers notre peuple, de détruire ce peuple qui voulait nous détruire. Mais nous n’avons pas le droit de nous enrichir, fût-ce d’une fourrure, d’une montre, d’un mark ou d’une cigarette ou de quoi que ce soit d’autre. Nous ne voulons pas à la fin, parce que nous avons exterminé un bacille, être infecté par ce bacille et en mourir. […] De toute façon, nous pouvons dire que nous avons réalisé cette mission des plus difficiles, animés par l’amour pour notre peuple. Et ni notre être, ni notre âme, ni notre caractère n’en ont été atteints. […]

Heinrich Himmler, Rede des Reichsführer-SS bei der SS-Gruppenführertagung (Discours du Reichsführer de la SS devant les officiers-généraux de la SS), Posen (Poznan), 4 octobre 1943. La transcription du discours de 190 minutes, conservé aux Archives des États-Unis, a été publiée lors du procès de Nuremberg (vol. 29, p. 110-173).
Texte intégral en allemand, sur 1000dokumente.de


[1Le 30 juin 1934 désigne la « Nuit des Longs Couteaux », l’exécution des chefs de la SA par des SS.

[2Un Obergruppenführer est un grade dans la SS, correspondant à celui de général de corps d’armée. Oswald Pohl était le dirigeant de la WVHA (l’Office central SS pour l’économie et l’administration).