Doc. – Le retour de Vasco de Gama
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Consigne : après avoir présenté le document, votre analyse doit s’axer sur les nouvelles qu’annonce l’auteur, ainsi que sur les conséquences des expéditions portugaises.
• Méthode : l’analyse de document(s)
Quand je suis parvenu ici, venant de Saint-Jacques [1], j’y ai trouvé, nouvellement arrivé, un navire du roi du Portugal qui était allé découvrir les épices avec trois autres vaisseaux de ce même roi. Ils étaient tous partis de conserve il y a maintenant deux ans, et ils ont découvert près de 4 000 lieues [2] de nouvelles terres, – eux disent 3 800, soit, c’est approximatif. Ils ont trouvé près de 1 000 lieues de terres habitées par les Maures blancs [3], en côtoyant la Berbérie [4] du côté extérieur, par l’océan. Ils ont trouvé ensuite une très grande ville, qui s’appelle Calicut [5] […].
Il y a là une infinité de navires, et c’est vraiment le grand marché de toutes les épices qui proviennent du Levant. […]
Ils ont de beaux édifices, de la viande, du pain et des fruits ; d’excellents melons, de la racine de palme [6], des citrons et des oranges. Les hommes sont grands et beaux, mais ils ne sont pas très blancs ; les femmes sont belles. C’est un beau pays, et c’est vraiment là qu’est la richesse qu’ils cherchaient. Il y a beaucoup de pierres précieuses, mais elles ne sont pas très parfaites : elles leur ont peu coûté, ou même ne leur ont rien coûté du tout. Les hommes du navire n’ont pas ramené beaucoup d’épices, car ils n’avaient ni or ni argent. Mais le navire du capitaine [7] est restée au Cap-Vert, car son frère est malade, et il avait, lui, des tasses et d’autres objets d’argent dont il se servait à bord pour son usage personnel, en sa qualité de capitaine : il a vendu et troqué tout cela contre des épices, et il a un chargement de poivre, de gingembre, de cannelle, de clous de girofle, de noix muscade, de laque, ainsi que beaucoup de pierres, et des bonnes. « Nous ne sommes chargés qu’à moitié, mais eux sont pleins jusqu’au mât de cannelle et de poivre. »Le roi du Portugal arme une nouvelle flotte pour là-bas. Il envoie huit navires [8] […] ; C’est, comme tu vois, une affaire considérable. […]
C’est là, on s’en rend compte, une bien mauvaise nouvelle pour le sultan [9], et les Vénitiens, quand ils auront perdu le commerce du Levant, devront se remettre à la pêche, car par cette route les épices arriveront à un prix qu’ils ne pourront pas pratiquer. […] Les pièces sont tout à fait parfaites, et en bien meilleur état que celles qui viennent d’Alexandrie, car elles sont plus fraîches […].Le roi du Portugal leur a fait enlever toutes les cartes de navigation sous peine de la vie et de la confiscation de leurs biens, c’est-à-dire toutes celles qui donnent des informations sur cette côte, pour qu’on ne sache pas leur route ni la façon de se diriger dans ces régions, et pour éviter ainsi que d’autres gens ne s’en mêlent.
Lettre de Guido Detti, fils d’un marchand florentin, envoyée de Lisbonne et datée du 10 août 1499, publiée dans Álvaro Velho [10] (trad. Paul Teyssier), Vasco de Gama : la relation du premier voyage aux Indes, 1497-1499 [Roteiro da viagem que em descobrimento da India pelo Cabo da Boa Esperança fez dom Vasco da Gama em 1497], Paris, éditions Chandeigne, 1998.
[1] Saint-Jacques-de-Compostelle, un pèlerinage important en Galice.
[4] La Berbérie : le monde arabo-musulman.
[6] Un palmier de la famille des Borassus. Le palmier de Palmyre (Borassus flabellifer), courant en Inde du Sud, permet de produire du sucre, du sirop ou de l’alcool à partir de sa sève ; ses fruits et ses pousses sont comestibles ; ses feuilles sont utilisées pour écrire dessus.
[7] Le navire amiral de Vasco da Gama est la caraque São Gabriel (sur les quatre navires au départ, seules deux rentrent). Il fait escale pour son grand frère Paulo da Gama, qui meurt aux Açores en juin 1499. Il a envoyé la caravelle Bérrio à Lisbonne (où elle accoste le 10 juillet 1499) pour annoncer son arrivée. Vasco rentre finalement avec le cadavre de son frère en septembre.
[8] Il s’agit de l’annonce de l’armada de Pedro Álvares Cabral, composée finalement de treize navires, partant en mars 1500.
[9] Sultan est un des titres (avec ceux de calife, padishah, khan, protecteur des villes saintes, etc.) du chef d’État ottoman.