2024, sujet J2 pour l’Amérique du Sud
par
24-HGGSP-J2-AS1
sujet J2 pour l’Amérique du Sud (22 novembre 2024)
Le candidat traite un sujet de dissertation, au choix parmi les sujets 1 et 2 ET l’étude critique de document(s).
Il précise sur la copie le numéro du sujet choisi pour la dissertation.
Sujet de dissertation 1
Pourquoi conquérir les océans et l’espace ?
Sujet de dissertation 2
Pourquoi peut-on dire que les « guerres irrégulières » remettent en cause les modèles classiques de la guerre et de la paix ?
Le candidat traite l’étude critique de documents suivante.
Étude critique de documents – les tribunaux gacaca face au génocide des Tutsis
En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, vous montrerez le fonctionnement des tribunaux gacaca, leurs intérêts et leurs limites.
Document
Séquence 1
L’image montre une femme, qui travaille à éplucher des bananes. Sa voix retentit.
« Je m’appelle Odette Mukanyarwaya. Celui qu’on appelle Obede Bayavuge a participé à toutes les attaques. Pendant le génocide, j’entendais parler de lui au sujet de la mort de toute ma famille. J’ignore s’il lui reste quelque chose d’humain. Avant, il avait un cœur d’animal. Aujourd’hui, il a peut-être changé. »Séquence 2
La scène se déroule en plein jour. L’image fait un gros plan sur un homme parmi un groupe de six. Ils sont assis et portent une tenue rose. À l’arrière-plan, on distingue un bâtiment, et des spectateurs vêtus en civil, assis par terre ou sur un banc. La voix d’un juge retentit.
Juge 1 (un homme). « Nous allons commencer le procès d’Obede Bayavuge »L’homme se lève. On entend des chants d’oiseaux. Personne ne parle. L’image fait un gros plan sur le juge, écharpe tricolore, qui lit le chef d’accusation. Pendant sa lecture, la caméra alterne sur le juge, et sur Obede, debout, bras croisés, impassible.
Juge 1. « Tu es accusé d’avoir tué la femme de Pierre et ses deux enfants. Tu es également accusé de la mort de Mykankwaya et de celle d’Anna Kabega. Tu es aussi accusé de la mort des trois enfants de Ngarambe. Nous avons la chance qu’Obede Bayavuge connaisse la procédure d’aveu de culpabilité et a aussitôt plaidé coupable. Nous allons vous lire ses aveux, pour que vous puissiez aussi savoir. »Une femme juge lit les aveux écrits d’Obede. La caméra alterne entre le visage fermé d’Obede et un gros plan d’Odette assise sur un banc parmi les autres victimes, qui écoutent la lecture.
Juge 2 (une femme), lisant les aveux. « Monsieur le président, je vous écris car j’ai décidé de dire la vérité sur ce que j’ai fait. Je reconnais ma responsabilité dans le génocide et les crimes contre l’humanité d’avril 94. Je suis prêt à rencontrer toutes mes victimes pour leur demander pardon, afin de revivre ensemble, comme nous le faisions avant la tragédie qui s’est abattue sur le Rwanda et les Rwandais ».
La caméra montre Odette. Elle <est debout pour prendre la parole devant l’assemblée. Derrière elle, se trouvent les bancs sur lesquels sont assis les autres rescapés, surtout des femmes. Pendant qu’elle témoigne, une autre femme vient s’asseoir derrière elle et discute à mi-voix avec sa voisine. La caméra montre Obede, visage fermé, bras croisés, qui écoute et regarde par terre.Odette. « Obede Bayavunge ne parle pas de mon père. Ceux qui reconnaissent avoir tué mon père disent qu’Obede était avec eux. À la barrière où il se trouvait, il y avait mon neveu dont il ne parle pas. Toute la nuit, ils l’ont torturé en le brûlant. Je l’ai déjà demandé ici, au procès de Gisimba, mais personne ne m’explique qui était présent à cette barrière, à ce moment-là. »
La caméra repasse sur Obede, qui répond à Odette.
Obede. « Odette, là où tu dis que je passais la nuit, il n’y avait pas que moi. Si j’avais vu ton neveu, je le dirais. Je suis là pour demander pardon. »La caméra montre Odette, qui ne dit rien, et se rassoit. On voit un homme se lever derrière elle. La caméra montre cet homme, Alphonse, debout, prendre la parole et s’adresser au juge, pendant qu’Obede, toujours debout, l’écoute.
Alphonse, en parlant d’Obede. « Pourquoi n’explique-t-il pas la mort des enfants Ngarambe ? »La caméra repasse sur le premier juge, qui répond à la question.
Juge 1. « Il va vite vous répondre, qu’on passe à la suite. On traîne. »Obede. « Alphonse, j’ai constaté que la mort des enfants me concernait car ils sont morts chez nous. Vers 15 h, des tueurs sont venus. Parmi eux, il y avait Myjyinga, Joli, Karoli. Ils étaient nombreux, je ne connais pas tous les noms. Ils m’ont raconté qu’ils venaient de tuer les enfants devant chez moi. Si j’avais commis ce crime, je demanderais pardon. C’est pour ça que je suis ici. » [...]
Séquence 3
La caméra montre Odette en train de travailler aux champs, avec une autre femme.
L’autre femme. « Odette, tu crois qu’on va retourner à la gacaca ? »Odette. « Après la gacaca d’hier, j’avais mal au cœur. Je ne me sentais pas tranquille. Ce n’est pas nécessaire qu’on y aille. Quand ils nous voient, c’est pour nous blesser. C’est pour ça que je n’irai plus. Je veux être en paix maintenant. Quand ma mère était enceinte de moi, les Hutus voulaient lui frapper le ventre avec une massue. Ils disaient déjà qu’ils allaient l’éventrer. Aujourd’hui, on nous chasse toujours pour nous tuer. »
La caméra s’éloigne et montre les deux femmes, de dos, ramener leur récolte vers le village.
L’autre femme. « Tu crois qu’on a péché contre Dieu ? Tous ces cadavres qui gisaient ici... ? Par qui ont-ils été tués ? »
Source : transcription d’un extrait de film documentaire de Bernard Bellefroid, Rwanda, les collines parlent, 2006.