2024, sujet J1 pour la Métropole

épreuve du 19 juin 2024 (Antilles, Guyane, Métropole et Mayotte)
jeudi 20 juin 2024
par  Julien Daget

24-HGGSP-J1-ME1
sujet J1 pour la métropole (19 juin 2024)

Le candidat traitera un sujet de dissertation au choix parmi les sujets 1 et 2 ET l’étude critique de document(s). Il précisera sur la copie le numéro de sujet choisi pour la dissertation.

Sujet de dissertation 1
Les sociétés face aux fluctuations climatiques du Moyen Âge à nos jours.

Sujet de dissertation 2
Juger les crimes de masse et les génocides depuis 1945.


Étude critique de documents – Les enjeux liés aux nouveaux espaces de conquête
Consigne – En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, caractérisez les enjeux liés aux nouveaux espaces de conquête.

Document

François Bougon – Pourquoi peut-on parler de changement historique avec le Space Act promulgué par le président Barack Obama en décembre 2015 ?
Philippe Achilleas [1] – Le traité de l’espace [1967], complété par l’accord sur la Lune, en 1979, a été à la fois extrêmement novateur et extrêmement souple. Dans le contexte de la guerre froide et de la course à la Lune, aucune des deux superpuissances, États-Unis et URSS, ne pouvait permettre à l’autre de s’approprier ce satellite naturel. Elles étaient donc tombées d’accord pour reconnaître le principe de non-appropriation de l’espace et des corps célestes. [...] Le traité de l’espace est à rapprocher de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer de 1982, puisqu’on distingue deux régimes : celui de l’espace, qui n’appartient à personne, et celui de la Lune et des corps célestes, qui sont patrimoine commun de l’humanité ; donc il y a une appropriation collective. Le statut de l’espace est similaire à celui de la haute mer, celui de la Lune et des autres corps célestes à celui des grands fonds marins. Les grands principes du traité sont la liberté de l’espace (article I), qui est la contrepartie de l’article II, concernant sa non-appropriation, et l’utilisation pacifique (article IV). Mais la dernière loi américaine, Space Act, adoptée par le Congrès en novembre 2015 puis promulguée par le président Barack Obama un mois plus tard, marque une rupture. La partie la plus importante concerne l’utilisation des ressources. Pour la première fois, un président des États-Unis édicte un texte qui va à l’encontre du traité de l’espace, car cette loi prévoit que des entreprises privées peuvent s’approprier les ressources naturelles des corps célestes, les exploiter et les vendre. C’était jusqu’à présent interdit.
Les Américains n’ont plus les moyens de financer la conquête spatiale uniquement sur des budgets publics. Ils sont donc obligés de faire appel à des financements privés. [...] On est passé aussi de la course à la Lune à celle vers Mars… Les États-Unis doivent aller plus loin, en effet. La Lune, ils la laissent désormais à la Chine et à l’Inde. Par ailleurs, la grande différence entre les États-Unis et l’Europe dans le domaine spatial, c’est la capacité américaine à faire rêver le public. Les Européens expliquent leurs projets spatiaux en mettant en avant les services, les applications, les télécommunications, les satellites, en oubliant la part de rêve. Mais l’important est qu’on relance la conquête spatiale, on reparle de missions sur Mars, de vols habités. [...]

François Bougon – Vous avez évoqué l’« utilisation pacifique », mais cela ne correspond guère à l’image que nous en avons...
Philippe Achilleas – C’est un principe en trompe-l’œil. L’article IV du traité de l’espace explique que la Lune et les autres corps célestes doivent être utilisés à des fins exclusivement pacifiques. En revanche, pour l’espace situé autour de la Terre, le seul principe posé est l’interdiction de placer en orbite des armes de destruction massive. Donc, a contrario, on peut utiliser les orbites terrestres pour placer d’autres types d’armes, par exemple des boucliers antisatellites. Il existe déjà des armes dans l’espace, les satellites antisatellites par exemple. Nous avons assisté à des essais de destruction de satellites menés par des fusées lancées depuis le sol par la Chine et les États-Unis. C’est licite, il est possible d’utiliser l’espace pour soutenir des activités militaires sur Terre.

Source : François Bougon, « Les nouveaux explorateurs de l’espace sont les patrons de l’Internet », Le Monde, 12 avril 2016.


[1Philippe Achilleas est le directeur de l’Institut du droit de l’espace et des télécommunications et professeur de droit public à l’université Caen-Normandie.