Réussir à l’oral comme Obama
Les discours de nos dirigeants politiques sont une forme de soft power. En effet la communication avec la population les aide non seulement à se construire une image marquante, mais aussi à promouvoir les idées de leur parti politique. Les citoyens sont donc mis au courant de l’actualité et peuvent se faire une opinion. La parole est une arme pacifique, l’image d’un pays passe par les discours de ses représentants à l’internationale. Dans son livre La parole est un sport de combat, l’écrivain et avocat Bertrand Perrier écrit : « Les gens ne parlent pas la même langue, il est temps de les réunir autour du goût de la parole, du goût des mots sous toutes ses formes. » Il apparaît également dans le documentaire À voix haute : la force de la parole, où on le voit former des étudiants de Saint-Denis à l’art oratoire. Prendre la parole c’est prendre un risque ; celui de se tromper, d’oublier son texte ou de ne pas plaire à son public. Un orateur n’a pas de gomme alors que l’écrivain lui peut effacer et retoucher son texte. Avant de vous donner les clés d’un oral réussi, je vous présente deux orateurs que tout oppose ; Barack Obama et Donald Trump.
I. Barack Obama
Barack Obama, né en 1961, à Hawaï, est un homme politique américain. Successeur de Georges Walker Bush, il fût président des États-Unis d’Amérique de 2009 à 2017 soutenu par le parti politique démocrate, soit deux mandats d’affilée. Barack Obama marque l’histoire des États-Unis en étant le premier président noir et par sa politique réformatrice. Il mène notamment des actions afin d’améliorer le contrôle du port d’arme ou encore afin de légaliser le mariage homosexuel. Il a également poursuivi une intervention militaire en Irak et en Syrie. Cette opération visait à éradiquer le noyau du mouvement terroriste Al-Qaïda. Cependant elle a aussi causé la mort à de nombreux civils innocents, les données sont incertaines mais comptent au moins 100 000 morts civils. Certains lui reprochent ces opérations militaires. Il leur répondra lors d’un discours en 2009, après avoir reçu le prix Nobel de la paix : « Ce n’est pas un mouvement non-violent qui aurait pu arrêter les armées d’Hitler. Aucune négociation ne saurait convaincre les chefs d’Al-Qaida. » À l’échelle internationale, Barack Obama est apprécié pour sa politique de changements, sa femme Michelle Obama aussi est reconnue mondialement. Ils connaissent une vague d’admiration pour leur représentation du couple américain « parfait » idéalisé. En 2017, Donald Trump lui succède.
Un orateur adoré
Barack Obama est un excellent orateur, il convainc les foules aisément grâce à son charisme. Sa prestance lui vaut un public fidèle. Malgré un contexte parfois tendu, il réussit à unir les personnes autour de valeurs communes. En juillet 2004, alors qu’il n’est pas encore président, il s’exprime sur la question du racisme aux États-Unis. C’est par ce discours qu’il se fait connaître dans le pays. Barack Obama utilise la répétition afin de capter l’attention de son auditoire et de créer un sentiment d’union. Il affirme : « Il n’y a pas une Amérique libérale et une Amérique conservatrice, il y a les États-Unis d’Amérique. Il n’y a pas une Amérique noire, une Amérique blanche, une Amérique latino et une Amérique asiatique, il y a les États-Unis d’Amérique. » En regardant son public de part et d’autre, la salle entière se sent concernée. Parfois il regarde la caméra mais favorise plutôt le contact direct avec le public. En 2017, une vidéo de la rencontre entre une femme de 106 ans et Barack Obama est diffusée à la télévision américaine. Accompagné par Michelle Obama, ils accueillent chaleureusement Virginia McLaurin à la Maison Blanche, elle qui souhaitait la visiter depuis longtemps. On les voit recevoir cette femme à bras ouverts avec le sourire aux lèvres. Barack Obama est apprécié pour ses prises de paroles toutes plus originales les unes que les autres.
L’homme caméléon
Durant ces discours, il est capable de créer un sentiment d’unité dans la foule qui lui fait face. Barack Obama, comme beaucoup d’autres orateurs, remplace « l’Amérique » par « les Américains », il s’inclut dans ses discours et se met au niveau de son public. Tout le monde est capable de le comprendre même sans aucune notion de la politique. En 2015, un révérend noir est tué dans son église avec d’autres paroissiens chrétiens par un suprématiste blanc. Durant l’éloge funèbre du révérend, Barack Obama prononce un discours et entame un chant a cappella. Ce chant c’est Amazing Grace, l’hymne chrétien le plus connu au monde. Son auditoire se met à chanter avec lui avec émotion ; on observe quelques larmes. Ce moment unique fait ressentir aux Américains une véritable solidarité dans de telles situations dramatiques. Si Barack Obama peut être perçu comme un caméléon car il s’adapte à chaque discours, à chaque public, il sait parfois se montrer tendre. Pendant son discours d’adieu en 2017, il remercie publiquement sa femme pour son soutien et pleure. Certains y verront un signe de faiblesse et d’autres un signe de reconnaissance infinie pour son épouse qui l’accompagna durant ces mandats. Ce qui est certain c’est que c’est un symbole fort, un symbole d’authenticité. Barack Obama sait aussi blaguer dans des contextes plus détendus. À la fin de sa présidence, il rit du manque d’expérience de Donald Trump et conclut sa prise de parole par un mic drop autrement dit un lâché de micro. À l’instar des rappeurs qui utilisent ce geste à la fin d’une prestation musicale.
II. Donald Trump
Donald Trump naît en 1946 à New York. C’est un homme d’État, mais aussi un ancien animateur et producteur de la télévision. Fils de Frederic Christ Trump, il hérite de l’entreprise immobilière de son père, d’où il tient sa fortune. Sa campagne présidentielle met en évidence une de ses priorités : réduire l’immigration. Son ton belliqueux le démarque déjà lors d’interviews et de passages à la télévision. Donald Trump déstabilise ses adversaires politiques en les attaquant directement ou en leur coupant la parole. Ce dernier critiqua à maintes reprises la politique de son prédécesseur, Barack Obama. Il fait parfois référence à une rumeur qui accuserait l’ex-président d’avoir espionner la Trump Tower durant la campagne électorale. Durant son mandat il investit cinq milliards de dollars dans la construction d’un mur séparant le Mexique des États-Unis. Par ailleurs, lors d’un débat il insulte Joe Biden de « clown » et de « menteur ». Malgré sa forte personnalité et les remous que causèrent sa candidature aux présidentielles, il est élu Président des États-Unis d’Amérique, comme représentant du parti républicain en 2017. En 2021, Joe Biden remporte les élections et devient le 46e président des États-Unis. Donald Trump conteste sa victoire et l’accuse d’avoir truqué les élections. Aucune preuve ne le confirme, il quitta la Maison Blanche en 2021.
Un président sûr de ses positions
En septembre 2018, Donald Trump vente les résultats de son administration, qui dépasseraient largement ceux de tous ses prédécesseurs, auprès de l’Organisation des Nations unies. Alors qu’il parle, le public le coupe en riant. Cette fois-ci Donald Trump réagit plutôt bien et déclare à son public qu’il ne s’attendait pas à cette réaction. Cependant on remarque dans d’autres prises de parole qu’il applique une stratégie similaire afin de perturber ses adversaires. Pendant des débats télévisés face à Joe Biden (à l’époque candidat aux présidentielles de 2021), il attaque continuellement son opposant. Il tente de le déstabiliser en lui coupant la parole, en changeant soudainement de sujet ou encore en l’injuriant. Ainsi l’image qu’il laisse à son public est celle d’un homme agressif et sûr de lui. Joe Biden préfère regarder la caméra afin de s’adresser aux téléspectateurs, tandis que Donald Trump le fixe dans les yeux. Ce n’est que lors d’allocutions télévisées qu’on le voit regarder la caméra. Son discours d’investiture en janvier 2017 est intéressant, c’est son premier discours en tant que président. Il insiste en haussant la voix sur une partie de son texte : « Nous allons ressusciter nos emplois, nous allons ressusciter nos frontières, nous allons ressusciter notre richesse et nous allons ressusciter nos rêves. » L’emploi de la première personne du pluriel est pertinent pour faire sentir une cohésion. Le mot rêve aussi est souvent employé dans ce type de discours général. C’est certainement un mot « magique » afin de faire positiver son public, en lui rappelant ses envies et objectifs dans la vie. « Rêve » est d’autant plus un mot spécial parce qu’il fait référence à la phrase mythique I have a dream prononcée par Martin Luther King, que l’on traduirait par « j’ai fait un rêve ». Ce discours visionné aux quatre coins de la terre a aussi un message caché. Le nouveau président s’affirme déjà militairement, en faisant défiler derrière lui des officiers de police ou des militaires. Cependant sa crédibilité est régulièrement remise en question, particulièrement à cause de ses prises de parole inadaptées voire impolitiques.
Maladresse ou arrogance ?
On peut alors se questionner ; est-ce un réel souhait que de se montrer sous cet angle arrogant ou bien est-il juste maladroit ? On ne peut qu’avoir sa propre opinion sur la chose, car si c’est bel et bien un personnage façonné pour montrer sa puissance, il lui colle à la peau. Même dans des affaires personnelles Donald Trump s’indigne et méprise ses interlocuteurs. En 2023 il est accusé de viol par la journaliste E. Jean Carroll et sera reconnu coupable quelques mois plus tard. Il n’a pas souhaité se rendre au procès et a donc été filmé pour que sa déposition figure lors du jugement. Dans cette vidéo on l’observe désappointé, il hausse les épaules en signe de dédouanement. Lorsqu’on lui demande s’il a violé cette femme, il répond simplement que c’est impossible car : « Ce n’est pas mon style de femme ». Donald Trump ne cesse de répéter cette phrase terriblement maladroite durant l’interrogatoire. Il s’adresse même directement à l’avocate de la défense et lui déclare qu’elle n’est pas son style de femme non plus. Durant beaucoup de ses meetings et interviews, il lui arrive d’être contrarié quand les journalistes lui posent des questions jugées trop « stupides » pour qu’il y réponde. C’est évident pour lui qu’il est « l’homme le moins raciste au monde » par exemple. Il y a cinq ans alors qu’il désignait une journaliste afin qu’elle lui pose une question, il plaisante en disant qu’elle ne s’attendait pas à être désignée. Alors que celle-ci lui répond « Je ne pensais pas que… », Donald Trump l’interrompt : « Ce n’est pas grave, je sais que vous ne pensez pas, vous ne le faites jamais. » Cette manière arrogante de répondre est courante dans ses dialogues avec la presse et est régulièrement pointée du doigt par les médias.
III. Réussis tes oraux du bac
Avant de vous donner des conseils pour convaincre votre jury le jour du bac de français comme le jour du grand oral, laissez-moi vous rappeler les bases d’une bonne prise de parole. Oubliez les tics de langage tels que « bref », « du coup », « genre » et « euh ». Vous perdez tout crédibilité en utilisant ce vocabulaire. Il faut vous montrer confiant et donc avoir bien travaillé votre sujet pour répondre aux questions du jury. Pas de panique ! On ne vous demande pas d’apprendre tout par coeur, mais de savoir rebondir et de mener l’échange, à l’aide des connaissances que vous aurez acquises.
Afin de convaincre le public, il vous faudra user de l’art oratoire : l’éloquence.
Être éloquent c’est :
– regarder son public, capter l’attention de tous ;
– moduler le volume de sa voix afin d’appuyer des mots clés ou des phrases fortes ;
– organiser sa prise de parole en quatre parties : l’exorde (l’introduction), la narration (le contexte), la confirmation (tes arguments) et la péroraison (la conclusion) ;
– Appliquer les trois règles d’un bon discours : le logos (la logique, les arguments), le pathos (l’émotion) et l’ethos (la crédibilité de l’orateur, l’image qu’il renvoie).
Vous pouvez vous poser trois questions qui aideront lors de l’écriture de votre discours : quel est mon objectif ? Quel est mon rôle ? Quel est mon public ? Cela vous permet de définir clairement la position que vous défendez et devant qui.
Les cinq types d’arguments vous serviront à mieux analyser les discours en général :
– l’argument d’autorité, grâce à votre expérience dans un domaine ou bien à votre position sociale, vous pourrez affirmer « Je suis bien placé pour vous parler de ce sujet car… » ;
– l’argument ad hominem, du latin « envers l’homme ». C’est une attaque directe envers la personne qui vous contredit, par exemple « Pourquoi ne pas donner au public vos réelles motivations à défendre cette cause ? » ;
– l’argument de valeur, il défend les sentiments l’auditoire et joue sur l’émotion. Par exemple « Pensez à ces familles détruites, brisées par les ravages de la guerre » ;
– l’argument de logique, c’est un exemple réel, une démonstration du type « 1+1=2 » ;
– l’argument d’expérience, lui, raconte quelque chose que vous avez déjà vécue. Par exemple : « J’ai été victime d’une agression donc je peux vous dire que… »
Autrement dit, il faut un fond solide à vos prises de parole, c’est-à-dire des arguments. Afin de vous faire entendre et comprendre de tous, vous devez également perfectionner la forme de votre discours. Vous pouvez utiliser des rimes en fin de phrase, des figures de style comme la métaphore, l’anaphore (répétition de mots en début de phrase) ou la répétition. En 2020 lors d’une allocution, Emmanuel Macron répète « Nous sommes en guerre », il insiste alors sur la notion de combat contre la pandémie. C’est un exemple de répétition qui a marqué l’auditoire. En effet cette phrase a été reprise en boucle sur les réseaux sociaux et dans les médias. Par le discours, certaines phrases deviennent culte ! Un autre exemple serait I have a dream prononcée par Martin Luther King en 1963. Il rêve d’une égalité entre noirs et blancs aux États-Unis et se l’approprie ; c’est son rêve, donc ça devrait être le rêve de tous les Américains. L’Amérique est une puissance mondiale. Sa parole est celle des représentants des États-Unis. Le président est, durant son mandat un symbole pour le pays qu’il représente, ses prises de parole sont la voix du pays. Il est tout de même important de différencier la personne du pays et de ne pas faire de généralité. Après avoir analysé les secrets des grands orateurs, vous voilà prêt(e) pour les oraux du bac. À vous de jouer !
Sources
Bertrand Perrier, La parole est un sport de combat, Paris, J.-C. Lattès, 2017, 219 p. (livre).
Ladj Ly et Stéphane de Freitas, À voix haute – La force de la parole, 2017 (film documentaire).
Cours d’éloquence par des étudiants qui ont suivi la formation Eloquentia. → https://eloquentia.world/
Biographie Barack Obama : https://fr.wikipedia.org/wiki/Barack_Obama
Biographie Donald Trump : https://fr.wikipedia.org/wiki/Donald_Trump
Barack Obama en cinq discours : https://www.youtube.com/watch?v=j7kEPWRuBzg
Une femme de 106 ans rencontre Barack et Michelle Obama : https://www.youtube.com/watch?v=likheQDJXlw
Discours de Donald Trump à l’ONU : https://www.youtube.com/watch?v=opSDduamCD0
Discours d’investiture de Donald Trump : https://www.youtube.com/watch?v=tz7miBYG7Uk
Déposition de Donald Trump dans une affaire de viol : https://www.youtube.com/watch?v=KMotan35Ix4
Donald Trump à une journaliste « Vous ne pensez pas » : https://www.youtube.com/watch?v=f_cwaQeykdI