Doc. – 1812 : victoire en Russie
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Consigne : après avoir présenté le document et son contexte, vous analyserez comment sont décris les opérations, ainsi que la façon d’annoncer une victoire napoléonienne. L’analyse des documents constitue le cœur de votre travail, mais nécessite pour être menée la mobilisation de quelques connaissances.
• Méthode : l’analyse de document(s)
• Doc. – Le bulletin d’Austerlitz
• Quelques uchronies à lire
Cependant la Grande Armée, toujours victorieuse et forte de deux cent cinquante mille hommes, se portait vers Pétersbourg avec une grande célérité. De son côté, l’empereur Alexandre [1] avait rappelé à lui toutes les forces de l’empire. Le prince royal de Suède, Bernadotte [2], son allié, l’avait rejoint avec trente mille Suédois. Il avait reçu en outre des ports de la Baltique un renfort de vingt-cinq mille Anglais. Il concentra ces forces formidables dans Novogorod [3] et les environs, fit fortifier cette ville et attendit, avec une armée au moins égale en nombre à l’armée française, l’empereur Napoléon qui s’avançait de victoires en victoires sur cette route magnifique des deux capitales russes.
Le 7 octobre, vers midi, par un soleil sans nuage, les deux grandes armées ennemies s’aperçurent et se déployèrent en face l’une de l’autre ; mais les mouvements de ces forces immenses ayant duré long-temps, la nuit vint, et Dieu remit au lendemain sa décision des destinées de l’Europe.
Le lendemain, 8 octobre, arriva, et la grande bataille eut lieu. Quelle bataille ! Et quelle victoire ! L’Europe les connaissent, et il serait inutile d’en donner d’autres détails que ceux que l’empereur dicta lui-même dans le bulletin rapide que nous allons transcrire ici.BULLETIN DE LA GRANDE ARMÉE
Novogorod, ce 9 octobre 1812La journée du 8 octobre sera glorieuse parmi toutes les journées de gloire.
La Grande Armée a rempli l’attente de l’empereur, la bataille de Novogorod l’illustre à jamais.
Trois cent mille Russes, Suédois et Anglais avaient pris position sous les murs de la ville et dans la plaine qui la précède, vers la route de Twer. L’Armée française, forte de deux cent cinquante mille hommes, occupait tout entière la gauche de la route et les trois collines qui dominent Novogorod.
La bataille a commencé à neuf heures, à quatre heures du soir tout était terminé.
Soixante mille hommes de l’armée ennemie sont morts, plus de soixante-dix mille ont été faits prisonniers, le reste s’est noyé dans le lac, ou s’est dissipé devant nous.
Sur les deux heures, le maréchal Kellermann, à la tête de sa division, a été atteint d’un boulet de canon dans le bas-ventre et est mort sur le champ de bataille.
L’empereur Alexandre et le maréchal Bernadotte, placés sur une des hauteurs, à droite de la route, ont été tournés par le corps du général Compans, et ont été faits prisonniers.
Des vingt-cinq mille Anglais, deux mille à peine ont pu échapper à la mort.
La Grande Armée a perdu environ six mille hommes, et a eut huit mille blessés.
L’empereur s’est porté en avant sur Saint-Pétersbourg, emmenant à la suite le czar et l’ex-prince royal de Suède.
L’armée ennemie a perdu le général en chef anglais, trois feld-maréchaux et vingt-deux officiers généraux. Nous avons à regretter, avec le maréchal Kellermann, le brave général Friant et plusieurs autres généraux. Les généraux Grouchy et Rapp ont été blessés.
Soldats ! Votre bravoure et votre conduite ont été admirables, je vous en remercie.NAPOLÉON
Louis Geoffroy-Château [4], Napoléon et la conquête du monde : 1812 à 1832, histoire de la monarchie universelle, Paris, chez H.-L. Delloye, 1836, 505 pages in-octavo, p. 16-18. → https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k130834x
[1] Alexandre Pavlovitch Romanov fut empereur de Russie de 1801 à 1825 sous le nom d’Alexandre Ier, ainsi que grand-duc de Finlande depuis 1809 et roi de Pologne à partir de 1815.
[2] Jean-Baptiste Bernadotte, soldat français en 1780, sergent en 1785, lieutenant en 1792, général en 1794, puis maréchal en 1804, fut choisi par le Riksdag (le Parlement suédois) comme héritier et régent en 1810 (le vieux roi Charles XIII était malade et sans enfant) ; il déclara la guerre à la France en 1813, puis fut roi de Suède et de Norvège de 1818 à 1844 sous le nom de Karl XIV Johan. Le souverain actuel de la Suède, Carl XVI Gustaf, est son descendant.
[3] Veliky Novgorod, au bord du lac Ilmen, est un importante ville sur la route entre Saint-Pétersbourg et Moscou.
[4] Louis-Napoléon Geoffroy-Château est né en 1803, fut adopté par Napoléon Ier à la mort de son père en février 1806 (Marc-Antoine Geoffroy-Château, major du génie, mort à Augsbourg d’un duel ?) ; puis fut juge au tribunal de la Seine et mourut en 1858. Son oncle est le zoologiste Étienne Geoffroy Saint-Hilaire.