2022, sujet J2 pour l’Amérique du Sud
par
Le candidat traitera un sujet de dissertation, au choix parmi les sujets 1 et 2 ET l’étude critique de document.
Dissertation 1
La guerre : un affrontement armé entre États ?
Dissertation 2
La question environnementale, un enjeu de mobilisation internationale.
Étude critique de document – Mémoires et histoire d’un conflit : la guerre d’Algérie
En analysant le document et en vous appuyant sur vos connaissances, vous mettrez en évidence les différences entre les approches mémorielles et historiques de la guerre d’Algérie.
Document :
Contrairement à ce que l’on entend souvent, la guerre d’Algérie n’a jamais été totalement occultée [...]. Très tôt, plusieurs films ont été projetés. [...] En 1977, Laurent Heynemann, soutenu par Bertrand Tavernier, adapte le livre d’Henri Alleg La Question, qui dénonce les tortures qu’il a subies ; le film est présenté sur Antenne 2 par Michel Drucker aux Rendez-vous du dimanche, émission de grande écoute – l’animateur invite les téléspectateurs à voir le film lors d’une séquence relativement longue de huit minutes.
Cependant, les décennies 1970 et 1980 furent fort tranquilles, à peine troublées par la grève de la faim de harkis en novembre 1974. Sans aucune difficulté, la guerre d’Algérie est mise au programme des classes de terminales en 1983. Je me permets un souvenir personnel : l’Association des professeurs d’histoire-géographie avait organisé à Marseille, en octobre 1983, dans le cadre des premières Journées de l’histoire-géographie, un atelier sur le thème : « Peut-on enseigner la guerre d’Algérie ? », [...] tout se passa dans la sérénité et le calme le plus absolu. [...] Notons cependant qu’officiellement le terme de « guerre » n’était toujours pas employé ! Cette mémoire tiède se réchauffe dans les années 1990 avec la création de l’association Au nom de la mémoire visant notamment à recueillir des témoignages sur la répression de la manifestation du FLN (Front de libération nationale) du 17 octobre 1961. [En 1991] Benjamin Stora analyse, dans La Gangrène et l’Oubli, « l’ensemble subtil de mensonges et de refoulement » qui a fait de la guerre d’Algérie un nouveau passé qui ne passe pas. Il prolonge sa réflexion par le film qu’il réalise la même année avec Philippe Alfonsi, Les Années algériennes, entièrement fondé sur les mémoires, y compris celle de sa mère qui revient en Algérie vingt-huit ans après et se rend sur les tombes de son père et de son grand-père. Des mémoires, souvent antagonistes, se retrouvent parfois autour de la culture du Sud. À travers la mise en images de ces mémoires dévoilées, Stora espère guérir la société française du poids de ce passé non reconnu. L’année suivante, Bertrand Tavernier et Patrick Rotman font l’histoire de cette guerre uniquement à partir du témoignage d’appelés ou de rappelés, en utilisant même leurs photos. Beaucoup précisent qu’ils n’ont jamais voulu en parler jusque-là ; tous sont revenus meurtris. Le procès de Maurice Papon, en 1998, sur son rôle dans la déportation des Juifs à Bordeaux, renvoie à son attitude de préfet de police en octobre 1961. La notion de massacre fut alors reconnue par la justice pour qualifier le 17 octobre. En 1999, le Parlement décide de remplacer l’expression « opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord » par celle de « guerre d’Algérie ».
Cependant, la tension remonte avec les violentes polémiques autour de la torture en 2000 et 2001, à partir de la confirmation tranquille du fait par l’un des principaux acteurs, le général Aussaresses, dans la presse, à la télévision et finalement dans un livre. Ce que certains s’obstinent malgré tout à nier. Début décembre 2007, Nicolas Sarkozy effectue un voyage en Algérie ; Libération 5 décembre titre « France-Algérie, la guerre des mémoires » et signale : « Selon Bernard Kouchner, Nicolas Sarkozy et son homologue Abdelaziz Bouteflika ont eu « un début de dialogue fort, nécessaire, mais très douloureux » sur les questions de mémoire ». [...] Juste après sa désignation comme candidat à la présidence de la République, François Hollande participe à la commémoration du 17 octobre. Il reconnaîtra, le 17 octobre 2012, la responsabilité e la République dans la sanglante répression par un communiqué très court, non sans susciter encore des réactions hostiles.
Source : Philippe Joutard, Histoire et mémoires, conflits et alliances, Paris, La Découverte, 2013.