Doc. – Enjeux de l’empreinte carbone
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Consigne : après avoir présenté les deux documents, votre analyse doit les expliquer, en montrant d’abord quels sont les buts de l’argumentation de l’entreprise énergétique, puis ensuite ceux de l’association écologiste. Pensez à les confronter, en ayant un regard critique, sans trop prendre parti.
• Méthode : l’analyse de document(s)
Document 1 – Atteindre la neutralité carbone en 2050, selon TotalEnergies
Une ambition consolidée par la vision Net zéro portée par l’AIE
Dans son scénario 1,5 °C, l’Agence internationale de l’énergie [1] vise une neutralité carbone en 2050 qui passe par une baisse des émissions nettes de l’énergie de 39 % entre 2015 et 2030.
Aligné avec ce scénario, TotalEnergies expose sa vision, en 2050, d’une compagnie produisant pour moitié de l’électricité renouvelable, pour un quart des nouvelles molécules décarbonées [2] issues de la biomasse (biocarburants [3], biogaz [4]) ou de l’électricité renouvelable (hydrogène, e-fuels), et pour un quart des hydrocarbures (pétrole et gaz) dont les émissions résiduelles seront intégralement capturées [5], recyclées ou compensées.En 2050, TotalEnergies produirait environ :
• 50 % d’énergie sous forme d’électricité renouvelable avec les capacités de stockage correspondantes, soit environ 500 TWh/an ;
• 25 %, soit l’équivalent de 50 Mt/an, de molécules décarbonées énergétiques, soit sous forme de biogaz, soit sous forme d’hydrogène, soit sous forme de carburants liquides synthétiques grâce à la réaction circulaire : H2O + CO2 = e-fuels ;
• 1 Mb/j d’hydrocarbures (soit près de 4 fois moins qu’en 2030, ce qui est cohérent avec la décroissance envisagée par le scénario Net Zéro de l’AIE), essentiellement du gaz naturel liquéfié [6] à hauteur d’environ 0,7 Mbep/j [7], et du pétrole à très faible coût pour le reste. Ce pétrole serait notamment utilisé dans la pétrochimie pour produire environ 10 Mt/an de polymères – dont les 2/3 viendraient de l’économie circulaire.Réinventer un système énergétique Net Zéro, c’est produire des électrons décarbonés [8], produire des molécules décarbonées et développer des puits de carbone pour absorber le CO2 en provenance des hydrocarbures résiduels (par exemple pour la chimie).
« Net zéro en 2050, ensemble avec la société », consulté en janvier 2023.
→ https://totalenergies.com/fr/compagnie/nous-transformer/ambition/net-zero-2050
Document 2 – Bilan carbone de TotalEnergies, selon Greenpeace
Après un été marqué au niveau mondial par des sécheresses record, des canicules, de violents incendies et des inondations catastrophiques, il est devenu difficile de contester la réalité du changement climatique. De même, il n’est plus possible de réfuter la responsabilité des énergies fossiles dans ce bouleversement. Les géants du pétrole et du gaz en sont les premiers responsables et TotalEnergies est dans le top 20 des entreprises les plus polluantes au monde. Aujourd’hui, de plus en plus de voix, et en particulier celle de l’Agence internationale de l’énergie, appellent à la sortie des énergies fossiles et à ne plus ouvrir aucun nouveau gisement.
Après avoir longtemps contribué à semer le doute sur la réalité du dérèglement climatique, puis l’avoir minimisé, TotalEnergies se présente désormais comme champion du climat, aligné sur une ambition de neutralité carbone d’ici à 2050, passant du climato-scepticisme au greenwashing. Dans ce contexte, alors que les émissions mondiales de CO2 sont issues à 88 % de la combustion des énergies fossiles, dont 39 % pour le charbon, 30 % pour le pétrole et 19 % pour le gaz naturel, l’enjeu du calcul des émissions, tout au long des chaînes de valeurs, sous-tend la question de la responsabilité des majors dans le changement climatique, et de la cohérence de leurs engagements vers une hypothétique transition ou sortie des énergies fossiles.
Dès la signature du protocole de Kyoto, en 1997, s’est posée la question du calcul de ces émissions. L’industrie s’est alors mobilisée afin de pouvoir elle-même établir des critères et des standards internationaux pour calculer les volumes de GES émis. Ces standards, rassemblés dans le GreenHouse Gas Protocol, ont progressivement été intégrés dans les législations nationales ou communautaires. C’est donc également sur ces bases que TotalEnergies établit le calcul des émissions dont elle s’estime responsable – soit 469 MtCO2e [9] en part patrimoniale pour l’année 2019 – et qui guide ses objectifs de réduction des émissions ou de trajectoire pour tendre vers la neutralité carbone.[...] D’après nos calculs, la totalité des émissions de TotalEnergies s’élève à 1 637 648 000 tCO2e en 2019, soit près de quatre fois plus que ce que déclare le groupe […]
Par ailleurs, TotalEnergies continue de prospecter activement et d’ouvrir de nouveaux champs pétroliers [10] et gaziers [11], en contradiction complète avec les recommandations du GIEC et de l’AIE, selon lesquelles l’objectif de neutralité carbone d’ici à 2050 suppose de ne plus forer le moindre nouveau gisement. C’est la condition sine qua non du respect de la trajectoire permettant de maintenir le réchauffement global à 1,5° fixée par l’accord de Paris.
En outre, TotalEnergies investit dans les projets les plus contestés d’hydrocarbures non conventionnels : hydrocarbures de schistes en Argentine [12] avec la pratique de la fracturation hydraulique, investissements dans l’Arctique russe [13], TotalEnergies étant la seule super major à ne pas avoir annoncé le retrait de ses actifs de Russie après l’invasion de l’Ukraine, ou encore des investissements massifs dans l’offshore profond ou ultra-profond. TotalEnergies investit toujours au moins 73 % dans les hydrocarbures. En d’autres termes, elle réserve une part très minoritaire aux énergies renouvelables, restant avant tout un acteur du pétrole et du gaz, ce qui rend difficilement crédible toute prétention à atteindre la neutralité carbone en 2050.
Bilan carbone de TotalEnergies : le compte n’y est pas, Greenpeace, 3 novembre 2022, 66 pages, p. 4, 7 & 17.
→ https://www.greenpeace.fr/rapport-bilan-carbone-de-totalenergies-le-compte-ny-est-pas/
Réponse de TotalEnergies le 3 novembre 2022 : → https://twitter.com/TotalEnergies/status/1588110437677252608
→ https://totalenergies.com/fr/medias/actualite/communiques-presse/reponse-totalenergies-au-rapport-greenpeace
[1] L’AIE a publié son rapport Net Zero by 2050 en mai 2021. → https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050
[2] Molécules décarbonées : carburants (e-fuel) fabriqués en utilisant de l’électricité décarbonée ; c’est de l’hydrogène (H2), du méthane (CH4), du méthanol (CH3OH), de l’éthane (C2H6), de l’éthanol (C2H5OH), du butanol (C4H10O), etc.
[3] Biocarburants : bioéthanol (alcool de betterave, de patate, ou de canne à sucre) et biogazole (huile de colza, de soja, ou de palme).
[4] Biogaz : méthane obtenu à partir de la fermentation de biomasse (fumier, lisier, résidus de culture, déchets de l’agroalimentaire, boues d’égout, déchets verts, ordures ménagères, etc.).
[5] CCS : carbon capture ans storage, « captage et stockage du carbone », pour l’instant envisagé par séquestration géologique ou par boisement ; la masse concernée est exprimée ici en Gt (gigatonnes) et Mt (mégatonnes) d’équivalent CO2.
[6] GNL : gaz naturel liquéfié (surtout du méthane, avec un peu d’éthane, de propane et de butane), à –161 °C.
[7] M pour méga (million), G pour giga (milliard) et T pour téra (billion). bep/j : baril d’équivalent pétrole par jour, pour le GNL.
[8] Électricité décarbonée : produite à partir d’énergie primaire n’émettant pas de dioxyde de carbone (elle est alors « verte »), ou en la décarbonant par CCS (« bleu »).
[9] MtCO2e : million de tonnes d’équivalent CO2.
[10] Gisement de Tilenga en Ouganda, qui devrait entrer en exploitation en 2025, avec un oléoduc jusqu’au port de Tanga en Tanzanie (EACOP, East African Crude Oil Pipeline).
[11] Mozambique LNG Project, extraction offshore de gaz naturel dans le Nord du Mozambique prévue pour 2024.
[12] Exploitation du gaz de schiste de la formation de Vaca Muerta, en Patagonie du Nord, avec l’usine d’Aguada Pichana.
[13] Arctic LNG2, un projet gazier russe dans la péninsule de Gydan, en Sibérie, prévu pour commencer à extraire en 2023.