Doc. – La guerre civile irakienne
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Consigne : après avoir présenté le document, vous l’analyserez en montrant que cette guerre est non seulement un conflit entre différents acteurs irakiens, mais aussi avec l’intervention de plusieurs autres États et organisations étrangères.
Le conflit en Irak, comme celui parallèle et interpénétré en Syrie, est un conflit-mosaïque, c’est-à-dire qu’il fait intervenir simultanément plusieurs camps aux intérêts divergents. Contrairement à un conflit polarisé, avec deux camps clairement définis et où les gains de l’un signifient des pertes équivalentes de l’autre, les opérations militaires d’un conflit-mosaïque ont des effets politiques beaucoup plus complexes. Rappelons que la guerre qui se déroule actuellement en Irak fait intervenir plusieurs coalitions. L’État islamique lui-même, nouvel avatar de l’État islamique en Irak formé en 2006 autour d’Al-Qaïda en Irak, en est une. Cette capacité à regrouper plusieurs groupes armés et milices sunnites, parfois anciennement ennemis mais tous hostiles à la politique du gouvernement de Bagdad, avait été un des facteurs principaux du succès de Daech à partir de 2013. Depuis 2016, le comportement de l’État islamique, y compris contre la population sunnite, et son affaiblissement ont contribué à dissoudre en partie cette coalition (et donc à accélérer l’affaiblissement). Plusieurs tribus et organisations, en particulier l’Armée des hommes de la Naqshbandiyya (JRTN) et plus récemment les Brigades de la révolution de 1920, ont rejeté Daech et le combattent même parfois. Elles sont surtout prêtes à prendre son relais, car si l’ÉI n’incarne plus la défense des Arabes sunnites irakiens, ce besoin de défense est toujours là.
Face à eux, on trouve une autre coalition, celle des Kurdes du Parti démocratique (PDK, dirigé par Massoud Barzani) et de l’Union patriotique kurde (UPK, de Jalal Talabani). L’UPK a profité de l’offensive de l’ÉI en 2014 pour s’emparer de Kirkouk et de ses champs pétrolifères, jusque-là pomme de discorde avec Bagdad et surtout avec les Arabes sunnites qui se trouvent ainsi privés de toute ressource pétrolière, confisquée au nord par les Kurdes et au sud par les chiites. Le Kurdistan a également obtenu de Bagdad d’exporter son pétrole par la Turquie. L’UPK, proche de l’Iran, lutte avec les milices chiites des unités de mobilisation populaires (UMP ou Hachd al-Chaabi), contre l’ÉI dans la province de Diyala. Au nord, Massoud Barzani ne cache pas son intention d’annexer plusieurs districts (d’ouest en est, Sinjar, Zummar et Hamdarin) autour de Mossoul.
Le gouvernement de Bagdad est lui-même partagé entre la ligne du Premier ministre Haïder al-Abadi et celle de son prédécesseur et actuel vice-président de l’Irak, Nouri al-Malilki toujours très présent. Ce dernier, qui avait gouverné de 2006 à 2014 et porte une grande responsabilité dans le déclenchement de la nouvelle guerre civile et la renaissance de l’État islamique, est proche de l’Iran. Il est le tenant de la ligne chiite radicale, dont les bras armés sont les UMP et le ministère de l’Intérieur dirigé par Qassim al-Araji, également leader de la milice chiite Badr (et emprisonné par les Américains en 2003 et 2007 pour avoir organisé des attaques contre eux). Cette armée chiite irakienne secondée par les Gardiens de la Révolution iraniens est désormais présente partout. Si l’armée régulière irakienne, soutenue par la coalition américaine et beaucoup moins sectaire, a eu le premier rôle pendant les premiers combats à Mossoul, ce n’est désormais plus le cas.
Michel Goya, « Après Mossoul », La Voie de l’épée, 23 mai 2017.
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