La marine de guerre chinoise
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La marine de l’Armée populaire de libération (PLAN en anglais, People’s Liberation Army Navy) est à l’image de la puissance chinoise : elle se développe de façon exponentielle ces dernières années.
Des débuts très modestes
La marine de la République populaire de Chine est mise en place en 1949 avec quelques navires perdus par la marine de la République de Chine lors de la guerre civile chinoise. Les moyens disponibles sont très limités : la conquête de l’île de Hainan en 1950 est réalisée en utilisant un peu plus de deux milles jonques en bois.
Cette faiblesse, ainsi que le soutien américaine, permettent au Kuomintang de se maintenir sur l’île de Taïwan, malgré une série de tensions autour du détroit de Taïwan (première crise en 1954-1955, deuxième en 1958 et troisième en 1995-1996). La Chine communiste engage lors de ces premiers conflits seulement des vedettes lance-torpilles, ainsi que des corvettes (de petites unités) contre les Sud-Vietnamiens lors de la bataille des îles Paracels en 1974.
Jusqu’aux années 1980, la RPC ne dispose d’aucun gros navire de combat, l’essentiel des dépenses militaires chinoises étant consacré aux forces terrestres et aériennes pour contenir la menace soviétique. La mission de la marine est alors limitée à la défense côtière.
L’implosion soviétique en 1991, la faiblesse russe qui a suivi et surtout la très forte croissance économique chinoise ont pour conséquence une énorme augmentation du budget militaire. Désormais, la marine chinoise a pour mission de représenter la RPC et de défendre ses intérêts sur les océans ; sa montée en puissance est progressive car un rattrapage technologique ne s’improvise pas.
De meilleurs sous-marins
Les sous-marins à propulsion conventionnel (moteurs diesel en surface et électrique en plongée) suffisent pour la défense des eaux côtières, mais pour des missions océaniques longues et lointaines la propulsion nucléaire est utile, avec deux catégories de nuc’, les SNA (sous-marins nucléaires d’attaque, servant de chasseurs-tueurs, SSN en anglais) et les SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, servant de plate-forme de tir pour des missiles, SSBN en anglais). Les nuc’ chinois sont tous construits au chantier de Bohai (à Huludao : 40°42’53"N 121°00’43"E) avec pour bases Jianggezhuang (près de Qingdao : 36°06’45"N 120°34’28"E) et depuis peu Sanya (sur l’île de Hainan : 18°12’39"N 109°40’43"E).
La première génération de sous-marins nucléaires chinois est aujourd’hui largement périmée, car trop bruyante et avec des réacteurs peu fiables. Côté SNA se sont les cinq « type 091 » (correspondant à la « classe Han » comme code OTAN) construits de 1970-1991, dont deux sont déjà décommissionnés. Côté SNLE c’est le Changzheng (n° 406), le seul « type 092 » (classe Xia) construit en 1978-1981, en fait une copie d’un classe Delta-III soviétique ; il n’est plus opérationnel.
Ces modèles plutôt expérimentaux sont remplacés par une deuxième génération, plus moderne, avec pour les SNA les six « type 093 » (classe Shang) depuis 2006, et pour les SNLE les quatre « type 094 » (classe Jin) depuis 2007. Une troisième génération, encore plus silencieuse, est en développement, avec le SNA « type 095 » (classe Sui) et le SNLE « type 096 » (classe Tang), les deux prototypes étant encore à l’essai.
La flotte de conventionnels a elle aussi été modernisée, avec dix-sept « type 035 » (classe Ming) construits de 1990 à 2003 en copiant la classe Romeo de fabrication soviétique, douze classe Kilo de 1994 à 2005 (construits en Russie), treize « type 039 » (classe Song) de 1998 à 2006 et dix-huit « type 039A » (classe Yuan) depuis 2006.
Des navires d’assaut amphibie
La Chine dispose d’importants moyens amphibies, lui permettant d’envisager des opérations de débarquement. Ces moyens de projection pèsent sur les tensions autour des îles Diaoyuta/Senkaku, de Taïwan, des îles Xisha/Paracels et des îles Nansha/Spratleys. La Chine affirme ainsi sa domination en mer de Chine orientale (la « mer de l’Est » pour les Chinois) et en mer de Chine méridionale (la « mer du Sud »).
Cette force amphibie a été modernisée ces dernières années, avec notamment les six nouveaux « type 071 » (classe Yuzhua) construits au chantier Hudong-Zhonghua (à Shanghai : 31°16’37"N 121°34’06"E) depuis 2007, dont deux sont encore en construction : ils font 210 m de long et déplacent chacun 25 000 tonnes, avec pont d’envol (pour quatre hélicoptères) et radier immergeable (pour les barges et hydroglisseurs d’assaut) ; ils sont les équivalents de la vingtaine de Landing Platform Dock (LPD) étasuniens. Trois sont déjà affectés à la flotte de la mer méridionale.
Les capacités chinoises d’assaut amphibie sont complétées par une trentaine de navires de transport plus petits (des Landing Ship Tank, LST), de 4 800 t de déplacement du « type 072 » 072II, 072III et 072A (classes Yuting, Yuting-II et Yuting-III) construits de 1982 à 2016.
Une unité bien plus imposante est en chantier depuis 2017 chez Hudong-Zhonghua, la première du « type 075 », un porte-hélicoptères de 250 m de long pour 35 000 t de déplacement, portant 30 hélicoptères, correspondant aux Landing Helicopter Dock (LHD) étasuniens. Il s’agirait peut-être du premier d’une série de trois.
Des destroyers lance-missiles
Pendant la guerre froide, le développement de missiles de plus en plus performants remet en cause l’importance des canons et des torpilles pour le combat naval. Cette révolution fut marquée notamment par les missiles antinavires soviétiques, destinés à attaquer les porte-avions américains (notamment le missile Granit, appelé par l’OTAN le SS-N-19 Shipwreck, plus ou moins équivalent au Harpoon américain et à l’Exocet français).
La contre-mesure fut de construire des escorteurs chargés d’assurer la protection des porte-avions, appelés destroyers lance-missiles (classes Spruance puis Arleigh Burke de la marine des États-Unis). Ces navires sont polyvalents, participant avec leurs missiles aux luttes anti-missile, antiaérienne et anti-surface.
Les premiers destroyers chinois furent les deux « type 052 » (classe Luhu) de 144 mètres de long, déplaçant 4 800 tonnes et disposant de 24 silos pour missile, construits en 1991-1996 au chantier Hudong à Shanghai. Ils furent expérimentaux, utilisant des technologies importées (turbines General Electric américaine, torpilles italiennes, missiles Crotale et radar Thomson français). La marine chinoise envoya le premier (l’Harbin, n° 112) en visite à San Diego le 21 mars 1997, puis le second (le Qingdao, n° 113) avec le pétrolier Taicang en croisière autour du monde de mai à octobre 2002.
À ces deux premiers furent rajouter les quatre classe Sovremenny construit en Russie et livrés de 1999 à 2006 : faisant 156,3 m de long et déplaçant 8 480 tonnes, ils sont armés chacun de 56 silos pour missiles.
La Chine se lança ensuite dans la construction de destroyers de plus en plus gros, dans le chantier Jiangnan (sur l’île de Changzing à Shanghai : 31°20’55"N 121°44’36"E) [1]. D’abord les deux destroyers « type 052B » (classe Luyang I) en 2000-2004, de 154 m de long pour 6 200 t ; puis les six type 052C (classe Luyang II) en 2002-2013, de 155,5 m de long et 6 200 t (avec des turbines ukrainiennes et des missiles AA russes) ; enfin les treize « type 052D » (classe Luyang III) lancés depuis 2014 [2], de 157 m de long et 7 500 t de déplacement, portant 64 silos pour missile.
Cette montée en gamme se poursuit avec une nouvelle série en préparation, le type 055 (classe Renhai) encore plus puissant, de la taille d’un croiseur [3] avec 180 m de long et peut-être 13 000 t de déplacement, portant 112 silos à missile. Le premier est en construction à Jiangnan depuis 2014, a été lancé le 28 juin 2017 pour être commissionné en 2018. Le deuxième doit être construit à Jiangnan, les 3e et 4e à Dalian.
Les premiers porte-avions
Les porte-avions ont été développés au début du XXe siècle comme des navires de soutien fournissant une couverture aérienne, puis ont été les pièces maîtresse des combats dans le Pacifique entre 1941 et 1945 grâce à la capacité de l’aéronavale à frapper au-delà de la portée des canons. Depuis 75 ans, la marine américaine domine les océans grâce à ses puissants porte-avions.
Le premier porte-avions chinois est en fait d’origine soviétique, mis sur cale en 1985 et lancé sous le nom de Riga en 1988, puis renommé le Varyag en 1990 (il est le sister-ship de l’Amiral Kouznetsov, le seul porte-avions russe). Acheté inachevé par la Chine aux Ukrainiens en 1998, il est arrivé à Dalian (38°56’08" N 121°36’49" E) en 2002, où il est remis en état en cale sèche de 2005 à 2009, pour être finalement commissionné en 2012 sous le nom de Liaoning (n° 16), seul représentant du « type 001 » de 304 m de long pour 55 000 t de déplacement, avec 36 à 40 avions à bord.
Un deuxième porte-avions a été construit à Dalian par rétro-ingénierie, une évolution appelée « type 001A » de 315 m de long pour 55 000 t, avec une capacité de 48 avions : mis en chantier en mars 2015, il a été lancé le 26 avril 2017, pour une entrée en service en 2020. On ignore son nom, peut-être le Shandong ?
Un troisième serait en préparation, un peu plus gros, du « type 002 » à construire par le chantier Jiangnan (sur une extension plus à l’est ?) [4], qui serait peut-être lancé en 2020. Un quatrième est mentionné, encore plus gros, du « type 003 » peut-être à Dalian.
Le Liaoning est pour l’instant utilisé pour entraîner une douzaine de pilotes à décoller et apponter avec leurs Shenyang J-15 (une copie chinoise du Soukhoï Su-33 russe). En juillet 2017, un groupe aéronaval a fait une sortie au large de Qingdao, comprenant le Liaoning, le Yinchuan (un type 052D), le Jinan (un 052C) et la Yantai (une frégate Type 054A).
Pour accompagner ce groupe aéronaval, un gros ravitailleur a été construit au chantier de l’île Longzue (à Guangzhou : 22°42’18"N 113°38’41" E) du « type 901 », le Hulun Hu de 240 m de long pour 45 000 t, lancé en décembre 2015 et commissionné le 1er septembre 2017.
[2] Pour la série type 052D, dix ont été lancés à Jiangnan, ainsi que trois à Dalian ; six sont en service, les autres devant être commissionnés jusqu’en 2020.
[3] Pour comparaison, les croiseurs américains de la classe Ticonderoga font 173 m de long pour 9 800 tonnes de déplacement, portant 122 silos ; les destroyers Arleigh Burke font 156 m de long, de 8 300 à 9 200 t avec 90 silos.