Corrigé : la soif de pétrole

dimanche 7 octobre 2018
par  Julien Daget

Sujet de l’étude critique de documents « la soif de pétrole »
Rappel de la consigne : expliquez quelle est la place du pétrole dans l’économie mondiale. Si vous voulez une bonne note, n’oubliez pas de présenter les documents et d’annoncer votre plan en introduction, d’analyser précisément les documents, de structurer votre étude (avec parties et sous-parties), enfin de montrer l’intérêt (ce qu’ils apportent) et les limites (les critiques) des documents.
Méthode : l’étude critique


Proposition de correction

Introduction
Le pétrole est un mélange d’hydrocarbures [1] plus ou moins liquide ou visqueux tiré du sous-sol ; c’est du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui la principale source d’énergie utilisée, une matière première essentielle à l’industrie, au transport et au chauffage. Son rôle économique est donc considérable [2].

Les documents à étudier sont des graphiques publiés par la BP, la British Petroleum, une compagnie pétrolière britannique qui publie chaque année des statistiques sur les principales énergies. Ici, la production de pétrole brut et la consommation sont fournies sur les 25 dernières années, tandis que l’évolution du prix est donnée depuis 1861, date correspondant au développement de l’extraction pétrolière en Pennsylvanie (après le forage Drake à Oil Creek en 1859) [3].

Quelle est la place du pétrole dans l’économie mondiale ? Nous verrons d’abord que sa consommation est en croissance, ensuite que c’est le principal produit échangé, et qu’enfin les variations de son prix sont problématiques.

Première partie
On consomme toujours plus de pétrole, suivant le rythme de la croissance mondiale.

Les volumes concernés par l’industrie pétrolière sont exprimés en dizaines de millions de barils (unité de volume d’environ 159 litres) par jour. Ils sont gigantesques : selon la BP, le volume produit de 92 millions de barils/jour en 2016 correspond à une masse de 4,4 milliards de tonnes par an. C’est en croissance sur le long terme (en dehors des quelques crises temporaires) car la consommation augmente (les humains sont plus nombreux et s’enrichissent) ainsi que la production (nouveaux gisements et récupération plus importante) : la croissance de la demande pousse l’offre. C’est encore la principale énergie primaire consommée, représentant en 2016 un tiers du total (selon BP : pétrole 33 %, charbon 28 %, gaz naturel 24 %, hydroélectricité 6,8 %, nucléaire 4,4 % et autres renouvelables 3,1 %).

D’après les documents, la production est dominée par celle du Moyen-Orient (l’Asie du Sud-Ouest), qui concentre un tiers (34 %) du total mondial, d’où des conséquences géopolitiques : les tensions et conflits de cette région agitée ont une influence mondiale (embargo contre l’Iran 1951-1953, crise de Suez 1956, guerre du Kippour 1973, révolution iranienne 1979, guerre Iran-Irak 1980-1988, guerre du Golfe 1990-1991, guerre d’Irak 2003-2011 et Printemps arabe 2010-2012).

Il y a une différence entre la production et la consommation, cette dernière est supérieure à la première. Cela s’explique par la montée en production des biocarburants (bioéthanol et biogazole, c’est-à-dire alcools et huiles végétales, notamment au Brésil), des condensats gaziers, du synfuel (carburant synthétique, à partir de charbon ou de méthane, spécialité de l’Afrique du Sud et du Qatar), ainsi que les gains au raffinage [4]. Ces nouvelles ressources se rajoutant aux pétroles non-conventionnels (huile de schiste et sables bitumineux, produits notamment en Amérique du Nord), permettent de poursuivre la croissance de la consommation en faisant baisser les prix (par augmentation plus forte de l’offre par rapport à la demande).

Deuxième partie
Le pétrole est le principal produit échangé sur la planète en volume comme en valeur.

Les principales régions consommatrices sont l’Asie-Pacifique (surtout la Chine et le Japon), l’Europe (principalement l’Union européenne) et l’Amérique du Nord (essentiellement les États-Unis), c’est-à-dire la « triade ». Ces trois régions riches produisent beaucoup de pétrole (en 2016, les États-Unis sont redevenus les premiers producteurs mondiaux d’hydrocarbures liquides, tandis que la Russie est 3e), mais ne peuvent satisfaire entièrement leur consommation : il leur faut importer massivement. On observe une très forte croissance de la consommation ces 25 dernières années en Asie-Pacifique (portée par la croissance chinoise et celle de l’Asie du Sud-Est), peu compensée par le léger déclin en Europe (qui fait des économies d’énergie).

Les trois autres régions, composées de pays en voie de développement (par exemple le Nigeria ou l’Angola pour l’Afrique, l’Arabie saoudite ou l’Iran pour le Moyen-Orient, le Brésil ou le Venezuela pour l’Amérique du Sud), exportent leur production vers la triade, les uns et les autres étant interdépendants. La croissance de la consommation dans ces trois régions, notamment dans les pays producteurs pour qui l’énergie est presque gratuite, est un signe de développement et d’enrichissement. Évidemment, la situation n’est pas la même d’un pays à l’autre, l’écart se creusant entre les économies émergentes (Égypte, Afrique du Sud, Brésil ou Argentine) et les pays les moins avancés (PMA : Congo démocratique ou Haïti).

Troisième partie
Les variations des prix pétroliers sont problématiques.

Le prix est exprimé ici de 1945 à 1983 pour un baril d’Arabian Light, le pétrole livré au port saoudien de Ras Tanura sur le golfe Persique, puis depuis 1984 pour un baril de Brent, un gisement de la mer du Nord [5] côté à la bourse de Londres et servant de référence internationale pour les ventes de pétrole brut. Ce prix est conditionné par la loi de l’offre et de la demande, l’une s’adaptant aux variations de l’autre. Cette mécanique n’empêche pas les chocs pétroliers : en 1973 (guerre du Kippour) et en 1979 (révolution iranienne), la baisse brutale de l’offre entraine une forte hausse du prix ; de 2005 à 2010 l’augmentation de la demande (notamment chinoise) cause le troisième choc pétrolier.

Une hausse des prix est profitable aux pays producteurs et aux compagnies pétrolières (celles qui prospectent, exploitent, transportent, raffinent et distribuent), mais impacte le prix de tous les autres produits, réduit le pouvoir d’achat des ménages et engendre de l’inflation. Ces hausses motivent d’une part les producteurs à mettre en production des gisements coûteux (offshore profond, arctique, à pression et température élevées, ou non-conventionnels), d’autre part les pays importateurs à consommer de façon plus efficace (moteurs moins gourmands et isolation des bâtiments) et à développer la consommation d’autres sources d’énergie (le nucléaire en France depuis les années 1970, le trio pétrole-charbon-gaz aux États-Unis et en Allemagne, le renouvelable partout).

Le prix peut aussi baisser, notamment lors des contre-chocs (une hausse du prix entraîne une petite contraction de la consommation), ainsi que lors des crises réduisant l’activité mondiale. Exemples en 1997-1998 avec la crise financière asiatique et en 2008-2009 la crise financière américaine (celle des subprime), qui font baisser la demande, d’où l’effondrement des prix, l’offre baissant pour compenser ; depuis 2011 les pétroles non-conventionnels font de nouveau baisser le prix.
Une baisse du prix est problématique pour les producteurs, surtout les pays pauvres dont le budget dépend des exportations de pétrole, d’où des tensions sociales fortes (Algérie et en ce moment au Venezuela). Pour les pays importateurs, l’aubaine renforce le pouvoir d’achat, mais favorise le gaspillage et freine la transition énergétique (le passage à de nouvelles sources d’énergie, si possible moins polluantes).

Conclusion
Au final, les documents mettent en lumière la place encore centrale du pétrole dans l’économie. On peut le voir comme un marqueur de la croissance et de la mondialisation en cours.

Un marqueur imparfait toutefois, car si le pétrole a largement dominé le XXe siècle (et le charbon le XIXe), la consommation d’énergie au XXIe siècle est beaucoup plus variée. Le pétrole est donc en déclin relatif, concurrencé par le gaz naturel et le retour du charbon, ainsi que dans une moindre mesure par les énergies renouvelables. Cette évolution s’explique par la hausse du prix du brut et par l’épuisement de nombreux gisements. Mais l’industrie pétrolière a encore de beaux jours devant elle, avec des réserves connues et exploitables pour encore 50 ans [6]. Après tout « The Stone Age did not end for lack of stone, and the Oil Age will end long before the world runs out of oil » [7]… Enfin, la source est critiquable car peu neutre : un pétrolier !


[1Presque toujours mélangé avec de l’eau, du gaz, du soufre, du sable, etc. d’où l’appellation de « pétrole brut » avant un minimum de raffinage.

[2On peut aussi commencer son introduction par une accroche plus originale. Exemple par Manon : « L’originalité, c’est comme le pétrole, son utilisation est unique et ce n’est pas une ressource renouvelable. Hanluo Taihain. »

[4Les gains au raffinage correspondent aux gains en volume après l’hydrocraquage, qui fournit des liquides moins denses.

[5Le gisement de Brent se trouve à mi-chemin entre les Shetland et la Norvège, sous 140 m d’eau et 2 650 de roche. Découvert en 1971, il est exploité par quatre plate-formes de Shell. Les autres pétroles cotés servant de référence sont le WTI (West Texas Intermediate) coté à New York pour le marché américain et le Fateh de Dubai (Dubai Crude) pour le marché asiatique.

[6Avec une consommation actuelle de 92,15 millions de b/j, soit 33,63 milliards de b/an, pour 1 706,7 milliards de b. de réserve.

[7Citation de 1973 d’Ahmed Zaki Yamani, ministre saoudien du Pétrole et des Ressources minérales de 1962 à 1986.