Faire un croquis sur les pôles et flux
par
Étape 1 : avoir un fond de carte
Lors de l’épreuve du bac, un fond de carte est fourni avec le sujet.
Pour les sujets « pôles et flux de la mondialisation », « une inégale intégration des territoires dans la mondialisation » et « les espaces maritimes, approche géostratégique » [1], c’est systématiquement celle proposée sur les sites cndp.fr et eduscol.fr : une projection de Briesemeister recadrée (l’ovale est devenu un rectangle), amputée (sans l’Antarctique) et décentrée (car rabotée à l’ouest, perdant ainsi un bout du Pacifique). Le tracé est très simplifié (une foule d’îles supprimées) et plein de pays sont affreusement déformés (cf. le Niger, l’Afghanistan ou le Japon).
Deux autres fonds de carte sont proposées, les projections de Robinson et de Buckminster, mais ne sont pas utilisées au bac jusqu’à maintenant [2].
→ http://www.cndp.fr/portails-disciplinaires/fileadmin/user_upload/histoire_geo/PDF/fond_monde_Briesemeister.pdf
→ http://eduscol.education.fr/fileadmin/user_upload/histoire_geo/PDF/fond_monde_Briesemeister.pdf
Pour une réalisation sur ordinateur, il faut un fond dans un format adapté au dessin numérique, qu’il soit une image matricielle (raster, au format png) ou vectorielle (au format svg) :
• la projection de Briesemeister en matriciel (png, centré sur 45°N et 50°E car rabotée à l’ouest) carte basée sur celle du CNDP ;
• la projection de Briesemeister en vectoriel (svg, centrée sur 45°N et 10°E), carte basée sur le travail de Daniel Dalet, projectionpolaire08.svg, sur d-maps.com ;
Étape 2 : analyser le sujet
Comment répondre au sujet « pôles et flux de la mondialisation » ?
D’abord, ne pas oublier que la mondialisation n’est pas que économique, elle est aussi culturelle, ce qui cadre bien avec les notions de pôles et flux (au contraire des aspects politiques et militaires, qui seront négligés).
Ensuite, un pôle est attractif, c’est un lieu de forte activité, qui émet et reçoit des flux, le lieu de commandement d’un espace, qui joue le rôle de centre d’impulsion [3].
De son côté, un flux est un transfert de biens, de service, de capitaux ou de personnes [4].
Enfin, les notions « pôles et flux » sont tout deux au pluriel. Les flux relient les pôles ; les pôles reçoivent et émettent la majorité des flux.
D’une part, il y a une hiérarchie entre les flux, en fonction de leur volume mais aussi de leur nature : flux matériels (marchandises et humains) ou immatériels (services, capitaux et informations), qu’ils soient marchands ou gratuits.
D’autre part il y a des pôles à différentes échelles : des ensemble régionaux (UE par exemple), des États, des territoires plus petits (nuances à l’intérieur des plus vastes États), ainsi que les principales métropoles.
Étape 3 : s’appuyer sur des sources
Pour les pôles de la mondialisation, on peut se baser sur les statistiques de l’OMC sur le commerce international de marchandises, fournissant un classement pour 2016 (le résultat est à peu près identique avec les échanges de services, ou ceux d’IDE).
→ https://www.wto.org/english/res_e/statis_e/wts2017_e/wts2017_e.pdf (p. 148-155)
États | Exportations | Importations | Total |
Monde | 15 955,4 | 16 224,7 | 32 180,1 |
Union européenne à 28 | 5 373,4 | 5 329,9 | 10 703,3 |
extra-UE 28 | 1 932,3 | 1 888,8 | 3 821,1 |
États-Unis | 1 454,6 | 2 251,3 | 3 705,9 |
Chine [5] | 2 098,1 | 1 587,4 | 3 685,5 |
Allemagne | 1 339,6 | 1 054,8 | 2 394,4 |
Japon | 644,9 | 606,9 | 1 251,8 |
France | 501,2 | 573,0 | 1 074,2 |
Pays-Bas | 569,7 | 503,4 | 1 073,1 |
Royaume-Uni | 409,3 | 635,7 | 1 045 |
Corée du Sud | 495,4 | 406,1 | 901,5 |
Italie | 461,5 | 404,4 | 865,9 |
Canada | 390,1 | 416,6 | 806,7 |
Mexique | 373,9 | 397,5 | 771,4 |
Belgique | 395,8 | 367,3 | 763,1 |
Inde | 264,0 | 359,0 | 623 |
Singapour | 329,7 [6] | 282,9 | 612,6 |
Espagne | 287,4 | 309,3 | 596,7 |
Suisse | 303,2 | 268,6 | 571,8 |
Taïwan | 280,3 | 230,5 | 510,8 |
Émirats arabes unis | 265,9 | 225,0 | 490,9 |
Russie | 281,8 | 191,4 | 473,2 |
Thaïlande | 215,3 | 194,6 | 409,9 |
Pologne | 202,5 | 197,3 | 399,8 |
Australie | 190,2 | 196,1 | 386,3 |
Malaisie | 189,4 | 168,3 | 357,7 |
Viêt Nam | 176,7 | 174,4 | 351,1 |
Turquie | 142,5 | 198,6 | 341,1 |
Brésil | 185,2 | 143,4 | 328,6 |
Arabie saoudite | 174,9 | 139,3 | 314,2 |
Autriche | 152,3 | 157,0 | 309,3 |
Tchéquie | 162,7 | 142,2 | 304,9 |
Indonésie | 144,4 | 135,6 | 280 |
Suède | 139,5 | 140,3 | 279,8 |
Irlande | 128,0 | 75,3 | 203,3 |
Hongrie | 101,9 | 93,6 | 195,5 |
Danemark | 95,1 | 85,5 | 180,6 |
Afrique du Sud | 75,0 | 91,5 | 166,5 |
Norvège | 88,9 | 72,3 | 161,2 |
Slovaquie | 77,8 | 75,4 | 153,2 |
Philippines | 56,3 | 86,2 | 142,5 |
Roumanie | 63,5 | 74,5 | 138 |
Israël | 60,1 | 68,8 | 128,9 |
Portugal | 55,6 | 67,5 | 123,1 |
Chili | 59,9 | 58,8 | 118,7 |
Finlande | 57,6 | 60,3 | 117,9 |
Argentine | 57,7 | 55,6 | 113,3 |
Iran | 66,0 | 40,0 | 106 |
On voit tout de suite que le commerce mondial de marchandises 2016 se concentre autour de trois grands pôles, surnommés la triade, à peu près à égalité, que sont l’Europe occidentale (Allemagne, France, Pays-Bas, Royaume-Uni, Italie, Belgique, Espagne et Suisse), l’Asie de l’Est (Chine, Japon, Corée du Sud, Taïwan et Hong Kong) et l’Amérique du Nord (États-Unis, Canada et Mexique).
Loin derrière, il y a quelques pôles secondaires : Inde, Asie du Sud-Est (Singapour, Thaïlande, Malaisie, Viêt Nam, Indonésie et Philippines), Moyen-Orient (Émirats arabes unis, Arabie saoudite et Iran), Russie, Australie, Turquie, Brésil et Afrique du Sud. On peut les qualifier de « pôles émergents », même si dans le cas russe c’est un peu critiquable (ré-émergent ?). Faire une catégorie BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ou BRIC convient encore moins, car la Chine est (re)devenue un pôle majeur, très loin devant les autres. La notion de limite Nord/Sud, datant de 1980, est, elle aussi, totalement dépassée.
On peut aussi utiliser la notion des onze prochains (les Next Eleven) : si la Corée du Sud est à mettre dans la triade, l’Indonésie, l’Iran, le Mexique, les Philippines et la Turquie forment la génération actuelle de NPI (nouveaux pays industrialisés), avec derrière l’Égypte, le Viêt Nam, le Nigeria, le Pakistan et le Bangladesh. On a aussi les « bébés tigres » (Malaisie, Indonésie, Thaïlande, Philippines et Viêt Nam), les « jaguars » (Mexique, Chili, Colombie et Argentine) et les « lions » (Nigeria, Algérie, Maroc, Égypte et Afrique du Sud) ; les VISTA (Viêt Nam, Indonésie, Afrique du Sud, Turquie et Argentine), les MINT (Mexique, Indonésie, Nigeria et Turquie), les CIVETS (Colombie, l’Indonésie, le Viêt Nam, l’Égypte, la Turquie et l’Afrique du Sud), etc.
L’intégration du reste du monde est encore très limité dans la mondialisation, sous forme de « périphéries intégrées » pour certains, voire de territoires marginaux.
Si on veut représenter les principales organisations régionales, qui assurent une grande intégration entre ses membres (unions douanières, monétaires et zones de libre-échanges), on a : l’Union européenne (UE, avec son extension l’EEE), l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN).
À titre plus anecdotique, on a aussi l’Union économique eurasiatique (UEEA), la Communauté caribéenne (CARICOM), l’Accord de libre-échange de l’Asie du Sud (SAFTA), les accords africains (CÉDÉAO, CEEAC et COMESA), la Grande zone arabe de libre-échange (GAFTA) et le Marché commun du Sud (Mercosur). À noter que les choses évoluent, le Mercosur et la Communauté andine des Nations (CAN) tentant de s’unir sous forme de l’Union des nations sud-américaines (UNASUR), tandis que l’Asie du Sud-Est s’intégre avec ses voisins au sein de l’ASEAN plus trois (APT) et de l’Accord de libre-échange entre l’ASEAN, la Nouvelle-Zélande et l’Australie (AANZFTA).
Pour les agglomérations ayant une influence globale, on peut s’appuyer sur le classement GaWC de 2016 :
• alpha ++ : Londres et New York ;
• alpha + : Singapour, Hong Kong, Paris, Beijing, Tokyo, Dubaï et Shanghai.
Sont exclus de cette sélection Sydney, São Paulo, Chicago, Mexico, Mumbai, Moscou, Johannesburg et Los Angeles, souvent indiqués sur les croquis, mais beaucoup plus bas dans le classement GaWC.
→ http://www.lboro.ac.uk/gawc/world2016t.html
Les sièges de l’OMC (Genève), du FMI et de la BM (Washington) peuvent être rajoutés, mais ça surcharge. On peut aussi indiquer les principaux aéroports, ports ou places boursières, en alourdissant encore plus le croquis.
Dix premiers aéroports 2016 : Atlanta, Beijing, Dubaï, Los Angeles, Tokyo, Chicago, Londres, Hong Kong, Shanghai et Paris. Les flux aériens ne seront pas représentés pour garder de la lisibilité.
→ http://www.aci.aero/Data-Centre/Annual-Traffic-Data/Passengers/2016-final-summary
Dix premiers ports 2016 : Shanghai, Singapour, Guangzhou, Port Hedland, Ningbo, Rotterdam, Qingdao, Tianjin, Busan et Dalian. La notion de façade maritime correspond à une interface peu lisible sur un croquis global.
→ http://aapa.files.cms-plus.com/Statistics/WORLD%20PORT%20RANKINGS%202016.xlsx
→ Carte : les ports mondiaux
Dix principales bourses de valeurs en 2016 : New York, Tokyo, Shanghai, Paris, Londres, Shenzhen, Hong Kong, Toronto, Francfort-sur-le-Main et Bombay.
→ https://www.world-exchanges.org/home/index.php/files/52/Annual-Statistics-Guide/453/WFE-Annual-Statistics-Guide-2016.xlsx
Pour le tracé des flux, l’essentiel des échanges internationaux de marchandises se fait par navires. L’AMVER propose sur son site une carte de positionnement des bateaux participant à leur programme, dessinant des sortes de routes maritimes (en mars 2018 la carte la plus contemporaine est celle pour juin 2013).
→ http://www.amver.com/Reports/DensityPlots
Pour les flux de personnes, on a trois catégories : les touristes, les migrants économiques et les réfugiés.
Les plus nombreux sont les touristes, avec un total pour ceux internationaux (on négligera le tourisme interne) de 1,23 milliard en 2016. Ils se concentrent dans trois zones : autour de la mer Méditerranée (France, Espagne, Italie, Turquie, etc.), du golfe du Mexique/Caraïbes (États-Unis, Mexique, Cuba et République dominicaine) et de la mer de Chine méridionale (Chine, Thaïlande et Viêt Nam).
→ https://www.e-unwto.org/doi/pdf/10.18111/9789284419029 (p. 6)
Les migrants sont beaucoup moins nombreux (3,5 millions par an, formant un stock de 257,7 millions en 2017 selon l’ONU), accueillis aux États-Unis (surtout des Indiens, des Mexicains et des Chinois), en Allemagne, en Arabie saoudite et au Koweït (des Indiens), au Canada, au Royaume-Uni et en Australie.
Les réfugiés sont au total 22,5 millions en 2016 selon le HCR (en excluant les 40,3 millions de déplacés internes), dont 3,4 millions de nouveaux cette année [7]. Ils vont essentiellement dans les pays voisins : les Syriens en Turquie, au Liban et en Jordanie, les Sud-Soudanais en Ouganda et au Tchad, les Afghans au Pakistan et en Iran, les Somaliens au Kenya et en Éthiopie.
→ http://www.un.org/en/development/desa/population/migration/publications/migrationreport/docs/MigrationReport2017.pdf
→ http://www.unhcr.org/fr-fr/apercu-statistique.html
Tous ces flux humains sont difficilement représentables sur une carte du monde, n’allant pas loin, se concentrant dans les grandes agglomérations.
Enfin, les flux d’informations et de capitaux ne passent pas d’un pôle à un autre en ligne droite, ils transitent par les câbles sous-marins.
→ https://www.submarinecablemap.com/
→ http://www.cablemap.info/
→ http://submarine-cable-map-2014.telegeography.com/
Étape 4 : choix de la légende et des figurés
I. La mondialisation se développe autour de plusieurs pôles
• à l’avant-garde, trois groupes de pays développés formant une triade, produisant la majorité du PIB planétaire, concentrant les principaux flux, contrôlant les réseaux de transport et de télécommunications ;
• une série de pôles secondaires, beaucoup plus modestes mais en forte croissance, comprenant surtout des pays en voie de développement (les émergents) qui s’intègrent de plus en plus dans la mondialisation ;
• des agglomérations particulièrement influentes (les villes-monde), formant l’« archipel métropolitain mondial », concentrant les principaux gouvernements, les FTN, les institutions internationales (ONU, FMI, OMC, etc.), l’innovation, la culture et les infrastructures (places boursières, ports et aéroports) ;
• des pays et territoires encore assez marginaux, formant des périphéries pour l’instant peu intégrées à la mondialisation ;
II. reliés par des flux multiples et en croissance
• les flux dominants sont ceux reliant entre eux les pôles de la triade (ils sont composés de produits manufacturés, de capitaux, de services, d’informations, etc.) ;
• les flux connexes sont notamment ceux reliant les pays en voie de développement à ceux de la triade (surtout des produits énergétiques, miniers et agricoles) ;
• les flux touristiques (flux humains très temporaires, mais massifs), surtout vers les grandes agglomérations de la triade, ainsi que ses périphéries ensoleillées (héliotropisme) ;
• les flux migratoires, vers les pôles les plus dynamiques (les flux de réfugiés, essentiellement régionaux, sont ici négligés).
Étape 5 : dessiner le croquis
[1] Le sujet « les espaces maritimes, approche géostratégique » ne concerne pas la série S, uniquement les séries L et ES.
[2] Le choix des projections est justifié dans le document http://eduscol.education.fr/fileadmin/user_upload/histoire_geo/PDF/Fonds_de_cartes_telechargeables_Bac_LES.pdf
[5] Hong Kong et Taïwan non compris. Hong Kong a exporté 516,7 milliards de dollars en 2016, dont 491,2 en ré-exportation, et importé pour 547,3 milliards, dont 121,1 pour elle.
[6] Singapour a ré-exporté à hauteur de 175,8 milliards de dollars en 2016, tandis que ses importations en propre sont limitées à 107 milliards.