Doc. : conséquences des pertes
par
Consigne : après avoir présenté puis analysé chacun des deux documents, vous expliquerez quelles furent les conséquences des pertes humaines de la Première Guerre mondiale.
• Méthode : l’étude critique
Document 1 : le total des pertes militaires par belligérants
Sources : J. Winter [1], révisé par A. Prost [2] pour les morts et les blessés. Tableau publié dans François Héran, « Génération sacrifiées : le bilan démographique de la Grande Guerre », Population & Sociétés [3], n° 510, avril 2014. → https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19890/population_societes_2014_510_guerre.fr.pdf
Document 2 : trois leçons de la bataille de Verdun
Sans doute, depuis cinquante ans, d’autres graves événements ont-ils bouleversé les nations. Sans doute, le destin de la France, qui avait pu paraître assuré à l’issue de la Première Guerre mondiale, ne fut-il sauvé dans la Deuxième, après un effondrement sans mesure, qu’en vertu d’une sorte de prodige et non sans de cruels ravages matériels et moraux. Pourtant, rien de tout cela n’infirme, bien au contraire ! les leçons que nous tirons de la grande épreuve de Verdun.
L’une se rapporte à nous-mêmes. Sur ce champ de bataille, il fut démontré, qu’en dépit de l’inconstance et de la dispersion qui nous sont trop souvent naturelles, le fait est, qu’en nous soumettant aux lois de la cohésion, nous sommes capables d’une ténacité et d’une solidarité magnifiques et exemplaires. En demeurent les symboles, comme ils en furent les artisans au milieu du plus grand drame possible, tous nos soldats « couchés dessus le sol à la face de Dieu » et dont les restes sont enterrés sur cette pente en rangs de tombes pareilles ou confondues dans cet ossuaire fraternel. C’est pourquoi leur sépulture est, pour jamais, un monument d’union nationale que ne doit troubler rien de ce qui, par la suite, divisa les survivants. Telle est, au demeurant, la règle posée par notre sage et séculaire tradition qui consacre nos cimetières militaires aux seuls combattants tués sur le terrain.
Une autre leçon qu’enseigne Verdun s’adresse aux deux peuples dont les armées y furent si chèrement et si courageusement aux prises. Sans oublier que leurs vertus militaires atteignirent ici les sommets, Français et Allemands peuvent conclure des événements de la bataille, comme de ceux qui l’avaient précédée et de ceux qui l’ont suivie, qu’en fin de compte les fruits de leurs combats ne sont rien que des douleurs. Dans une Europe qui doit se réunir tout entière après d’affreux déchirements, se réorganiser en foyer capital de la civilisation, redevenir le guide principal d’un monde tourné vers le progrès, ces deux grands pays voisins, faits pour se compléter l’un l’autre, voient maintenant s’ouvrir devant eux la carrière de l’action commune, fermée depuis qu’à Verdun même, il y a 1 123 ans, se divisa l’Empire de Charlemagne. Cette coopération directe et privilégiée, la France l’a voulue, non sans mérite mais délibérément, quand, en 1963, elle concluait avec l’Allemagne un traité plein de promesses. Elle y est prête encore aujourd’hui.
La troisième leçon concerne nos rapports avec tous les peuples de la terre. Notre pays ayant fait ce qu’il a fait, souffert ce qu’il a souffert, sacrifié ce qu’il a sacrifié, ici comme partout et comme toujours, pour la liberté du monde, a droit à la confiance des autres. S’il l’a montré hier en combattant, il le prouve aujourd’hui en agissant au milieu de l’univers, non point pour prendre ou dominer, mais au contraire pour aider, où que ce soit, à l’équilibre, au progrès et à la paix. C’est ainsi que le souvenir de Verdun est lié directement à nos efforts d’à présent. Puissent en être affermies la foi de tous les Français et l’espérance de tous les hommes en l’éternelle vocation de la France !
Vive la France !
Charles de Gaulle [4], Discours prononcé dans la nécropole militaire de Douaumont [5], sur l’esplanade entre l’ossuaire et le cimetière, le 29 mai 1966.
→ http://verdun-meuse.fr/index.php?qs=fr/ressources/discours-du-mois---mars-2012---le-general-de-
[1] Jay Winter, « Victime de la guerre : morts, blessés et invalides », dans Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker (dir.), Encyclopédie de la Grande Guerre, tome II, Paris, Perrin, 2e édition, 2012, p. 715-728.
[2] Antoine Prost, « The Dead », dans Jay Winter et Charles J. Stille (ed.), The Cambridge History of the First World War, t. 3, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2014, p. 561-586.
[3] Le mensuel Population & Sociétés est le bulletin d’information de l’Institut national d’études démographiques (INED).
[4] Charles de Gaulle était capitaine d’infanterie pendant la Première Guerre mondiale. Il a été blessé le 15 août 1914 lors de la bataille des Frontières (à Dinant), puis une deuxième fois le 10 mars 1915 lors de l’offensive de Champagne (à Mesnil-lès-Hurlus), enfin une troisième fois le 2 mars 1916 lors de la bataille de Verdun (à Douaumont) et fait prisonnier.
[5] La nécropole signifie en grec la « cité des morts ». À Fleury-devant-Douaumont, au cœur du champ de bataille de Verdun, ont été aménagés après la guerre un vaste ossuaire (pour les ossements d’environ 130 000 anonymes) et un cimetière avec 16 142 tombes individuelles.