Doc. : l’héliaste

jeudi 23 novembre 2017
par  Julien Daget

Consigne : après avoir présenté les documents, vous expliquerez qu’ils montrent deux points de vue sur la façon de rendre justice à Athènes dans l’Antiquité.
Méthode : l’analyse de document(s)


Document 1 : le serment des héliastes (ἡλιαστικὸς ὅρκος)

Je prononcerai suivant les lois et les décrets du peuple d’Athènes et du Conseil des cinq-cents. Je n’approuverai, par mes suffrages, ni la tyrannie, ni l’oligarchie. Si quelqu’un attaque la démocratie athénienne, s’il parle, s’il ordonne contre elle, je ne l’écouterai point. [...] je ne souffrirai point que, dans la même année, le même homme possède deux fois la même charge, ou deux charges en même temps ; je ne recevrai de présent pour rendre la justice, ni par moi-même, ni par les mains d’un tiers ; personne n’en acceptera pour moi à ma connaissance, par des voies tortueuses. Je n’ai pas moins de trente ans. j’écouterai également l’accusateur et la défense, et je prononcerai sur l’objet même du procès. Je jure par Jupiter, Neptune et Cérès [1]. J’appelle tous les fléaux sur ma tête, sur ma famille, si je viole un seul de ces engagements, puissé-je être comblé de prospérités !

Démosthène [2], Harangue contre Timocrate, 353 avant notre ère. (trad. Jean-François Stiévenart), Chefs‑d’œuvre de Démosthène et d’Eschine, p. 211, Paris, Firmin-Didot Frères, 1842. → http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6107854x/f224.image


Document 2 : la pratique

Philocléon [3]. Mon régal à moi ce n’est pas le saumon ni les anguilles : je préférerais me mettre sous la dent un bon petit procès mignon, cuit à l’estouffade. Y a-t-il plus délicieuse béatitude que celle d’un juge, par le temps qui court ? Il n’y a pas d’être qui jouisse plus que lui, ni qui soit plus redouté, tout vieux qu’il est !
D’abord, dès mon petit lever, on me guette aux abords du tribunal, des hauts personnages, des grosses légumes ! Et puis, sitôt que je m’approche, une main délicate qui a raflé l’argent public se glisse dans la mienne ; supplications, courbettes à grands renfort de lamentations : Pitié pour moi, père, je t’en conjure, si tu as détourné toi aussi quelque chose dans l’exercice d’une fonction, ou à l’armée quand tu allais au ravitaillement pour tes copains !
Puis, dûment imploré, et l’éponge passée sur ma colère, une fois entré en séance je ne fais rien de ce que j’ai promis ; j’écoute les accusés parler sur tous les tons pour se tirer d’affaire. Parbleu ! Quelles cajoleries n’est-on pas appelé à entendre quand on juge !
Les uns geignent sur leur pauvreté et ils en rajoutent ; d’autres nous racontent des anecdotes ou une petite drôlerie d’Ésope ; les autres enfin lancent des blagues pour me faire rire et désarmer ma mauvaise humeur. Et si nous restons sourds à tout ça, le type s’empresse de traîner ses gosses à la barre. Là-dessus, le père, en leur nom, m’implore comme un dieu, tout tremblant, de ne pas le condamner pour malversation.
N’est-ce pas là un grand pouvoir, et tourner en dérision la richesse ? Et le plus agréable de tout, que j’avais oublié : c’est quand je rentre à la maison, avec mon salaire, et qu’alors à mon arrivée tout le monde me fait risette à cause de l’argent. [...] Ai-je à envier quelque chose à Zeus ?

Aristophane, Les Guêpes, 422 avant notre ère.


[1Divinités correspondant à Zeus, Poséidon et Déméter chez les Grecs.

[2Démosthène est un orateur athénien, fils d’un fabricant d’armes et d’une barbare. Il se fait remarquer par ses plaidoiries juridiques à l’Héliée et ses discours politiques à l’Assemblée (les Philippiques, contre Philippe de Macédoine).

[3Philocléon veut dire « qui aime Cléon », Cléon étant un homme politique populaire du Ve siècle av. n. ère ayant fait augmenter le misthos (l’indemnité) des héliastes de deux à trois oboles. Cléon fit exiler Thucydide ; Aristophane présenta Cléon dans ses pièces comme un parvenu sans éducation, violent, vantard, fourbe, calomniateur, hypocrite et démagogue.


Documents joints

Héliastes et Kyoto