L’ère des porte-avions

Age of Carriers : 1941 à nos jours
samedi 21 octobre 2017
par  Julien Daget

18 janvier 1911 : le premier avion se pose sur un navire
piloté par Eugene Ely, sur le pont arrière du croiseur américain Pennsylvania.

L’apparition du porte-avions
À partir de la seconde partie du XIXe siècle, les cuirassés dominent les flottes de guerre ; mais de nouvelles inventions vont ensuite faire évoluer le combat naval.
Ce furent d’abord la torpille et le sous-marin, bien que des parades furent trouvées : des filets, des bulbes, des cloisons anti-torpilles et des escorteurs (les contre-torpilleurs, appelés destroyers en anglais, pour chasser les torpilleurs, complétés par des frégates, spécialisées dans la lutte anti-sous-marine).

Ce fut ensuite l’aviation qui trouva rapidement une application maritime, d’abord comme éclaireur. En 1910, un avion décolle pour la première fois d’un navire (un Curtiss Model D sur l’USS Birmingham) ; en 1911 c’est le premier appontage (l’USS Pennsylvania).
La première attaque aéronavale a lieu en septembre 1914, à partir du transport d"hydravions japonais Wakamiya, avec un avion Farman construit au Japon, contre les navires allemands et autrichien en rade de Tsingtao (les quelques bombes ne firent pas de dégât). Plus important fut le raid contre la base aérienne allemande de Tondern (aujourd’hui Tønder, au Danemark) : le 19 juillet 1918, sept Sopwith Camel britanniques décollèrent du HMS Furious, bombardèrent les hangars de la base et y détruisirent deux zeppelins.

Pendant l’entre-deux-guerres, toutes les puissances navales s’équipèrent de quelques porte-avions (carriers en anglais) comme navires auxilaires, les destinant principalement à la reconnaissance océanique, en coopération avec des croiseurs légers.
Aux États-Unis, le Fleet Problem XIII en 1932 (marqué par une simulation d’attaque aéronavale contre la base de Pearl Harbor) montra l’importance du porte-avions et la nécessité pour la flotte américaine de disposer de plusieurs d’entre-eux, opinion défendu par les amiraux Joseph J. Clark (un aviateur de l’aéronavale) et Harry Yarnell (ce dernier réclamait six à huit porte-avions rien que pour le Pacifique), mais le conservatisme de l’amirauté et les réductions budgétaires empêchèrent ce projet [1]. L’US Navy les complétèrent avec deux dirigeables porte-avions (l’USS Akron, écrasé en mer en 1933, et l’USS Macon, détruit par une tempête en 1935), puis abandonna l’idée.

Le tournant de la guerre du Pacifique
La Seconde Guerre mondiale commença mal pour l’aéronavale, les Britanniques perdant le porte-avions HMS Courageous, en patrouille de lutte anti-sous-marine, qui se fait couler dès le 17 septembre 1939 justement par un sous-marin allemand. Puis se fut le tour du HMS Glorious en juin 1940 (coulé par des croiseurs allemands), de l’Ark Royal en novembre 1941 par un autre sous-marin et de l’HMS Hermès en avril 1942 par des avions japonais.
Mais pendant la nuit du 11 au 12 novembre 1940, les avions-torpilleurs ayant décollé de l’HMS Illustrious attaquèrent la flotte italienne en rade de Tarente, mettant trois cuirassés hors de combat.

Tout change avec l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941. 350 avions de six porte-avions japonais y attaquèrent au mouillage les huit cuirassés de la flotte américaine du Pacifique, les mettant tous hors de combat (l’USS Arizona explosa et l’USS Oklahoma chavira). Le nouveau commandant américain, l’amiral Chester Nimitz, ne disposait désormais comme grandes unités que de quelques porte-avions, désormais chargé d’affronter la flotte japonaise.
Les principales batailles sont désormais aéronavales, les porte-avions s’affrontant à grande distance, hors de portée des canons. Les premières rencontres opposent des forces à peu près de même taille lors des batailles de la mer de Corail (4 au 8 mai 1942) puis de Midway (5 au 7 juin 1942), des Salomon orientales (24 et 25 août 1942) et des îles Santa Cruz (25 et 27 octobre 1942) : les deux camps s’usèrent mutuellement, mais le Japon eu beaucoup de mal à former assez de pilotes pour son aviation embarquée, tandis que les États-Unis multipliaient leur nombre de pilotes de de porte-avions.

La marine impériale japonaise, tout particulièrement son aéronavale, est anéantie lors des combats des années 1944-1945.
La bataille de la mer des Philippines (19 au 20 juin 1944), surnommée par les Américains le « grand tir aux dindons des Mariannes », fut une rencontre entre quinze porte-avions américains et neuf japonais, se soldant par trois porte-avions japonais coulés et surtout environ 400 pilotes abattus.
La domination navale de l’US Navy est affirmée définitivement par la bataille du golfe de Leyte (23 au 27 octobre 1944) où 34 porte-avions américains furent engagés contre onze japonais : ces derniers en perdirent quatre, ainsi que trois cuirassés et dix croiseurs.
À la fin, les derniers navires japonais sont coulés directement dans les eaux de l’archipel nippon, notamment lors des bombardements des bases de Yokosuka (18 juillet 1945, près de Tokyo) et de Kure (24, 25 et 28 juillet 1945, près d’Hiroshima).
À partir de l’été 1945, la domination américaine est désormais totale : leurs bombardiers B-29 ravagèrent au napalm les villes japonaises les unes après les autres, les cuirassés pilonnèrent les ports, tandis que les sous-marins et les mines interdirent le commerce pour déclencher une famine. Les deux explosions nucléaires des 6 et 9 août accélérèrent la capitulation japonaise, annoncée le 15 août.

La cérémonie de capitulation du 2 septembre 1945 se déroula en baie de Tokyo à bord du cuirassé USS Missouri, avec défilé aérien de l’aéronavale, illustrant la puissance de celle-ci. Pour les cuirassés, il s’agit d’un chant du cygne : les mises à mort des HMS Prince of Wales et Repulse le 10 décembre 1941 par les avions japonais, puis celle du Yamato le 7 avril 1945 indiquent qu’ils sont condamnés sans couverture aérienne.


Le groupe aéronaval du Ranger

Le Battle Group Echo dans le golfe d’Oman en 1987.

De l’arrière vers l’avant et par colonne du haut vers le bas : USNS Hassayampa (T-AO-145), USS Leftwich (DD-984) et Hoel (DDG-13) ; USS Kansas City (AOR-3), Bunker Hill (CG-52, croiseur Aegis) et Robert E. Peary (FF-1073) ; USS Long Beach (CGN-9, croiseur nuc’), Ranger (CV-61, porte-avions) et Missouri (BB-63, cuirassé modernisé) ; USS Wichita (AOR-1), Gridley (CG-21) et Curts (FFG-38) ; USS Shasta (AE-33), John Young (DD-973) et Buchanan (DDG-14).

L’escadre est en formation serrée pour la photo : il est trop dangereux de naviguer ainsi (le Ranger est déjà rentré dans le Wichita au début de l’année). Le groupe aéronaval eu pour mission l’escorte des pétroliers dans le golfe Persique en 1987-1988, puis fut engagé le 19 octobre 1987 contre les plate-formes iraniennes (Operation Nimble Archer).
C’est un exemple de projection de force : le groupe, qui dispose d’une importante force de frappe, croise au large de l’Arabie, loin de ses bases.

L’élément central est le porte-avions, l’USS Ranger (qui a servit au tournage de Top Gun), épaulé par le vieux cuirassé Missouri sortie de sa naphtaline (au nom de la 600 Ship Navy de Reagan) après modernisation comme navire lance-missiles (armé avec des Harpoon et des Tomahawk).
Ces deux pièces maîtresses sont escortées par plusieurs croiseurs (les USS Long Beach, Bunker Hill et Gridley), des destroyers lance-missiles (Buchanan, Hoel, John Young et Leftwich) et des frégates anti-sous-marines (Robert E. Peary et Curts). Tous ces navires sauf le Long Beach (à propulsion nucléaire) consomment du mazout, d’où la présence de trois pétroliers (Wichita, Hassayampa et Kansas City) ainsi que d’un cargo chargé de munitions (le Shasta).


Où sont les porte-avions de l’US Navy ?

L’évolution de l’US Navy