Doc. : la jeunesse hitlérienne

jeudi 11 mai 2017
par  Julien Daget

Consigne : votre étude critique des documents doit montrer quels sont les objectifs de l’embrigadement de la jeunesse allemande.
Méthode : l’étude critique


Dans un État raciste, l’école consacrera infiniment plus de temps aux exercices physiques. Il ne convient pas de surcharger les jeunes cerveaux d’un bagage inutile ; l’expérience nous apprend qu’ils n’en conservent que des fragments et, en outre, qu’il leur en reste non pas l’essentiel, mais des détails secondaires et inutilisables ; [...]. Mais l’État raciste n’a pas précisément pour rôle de faire l’éducation d’une colonie d’esthètes pacifistes et d’hommes physiquement dégénérés. L’image idéale qu’il se fait de l’humanité n’a pas pour types l’honorable petit bourgeois et la vieille fille vertueuse, mais bien des hommes doués d’une énergie virile et hautaine, et des femmes capables de mettre au monde de vrais hommes.

Ainsi le sport n’est pas destiné seulement à rendre l’individu fort, adroit et hardi, mais il doit aussi l’endurcir et lui apprendre à supporter épreuves et revers. [...] Dans l’État raciste, l’armée ne sera donc plus obligée d’apprendre à l’individu à marcher et à se tenir au port d’armes ; elle sera une école supérieure d’éducation patriotique. La jeune recrue recevra au régiment l’instruction militaire nécessaire, mais on continuera en même temps à la préparer au rôle qu’elle aura à remplir plus tard dans la vie. Le principal objectif de l’éducation militaire doit rester pourtant ce qu’il était déjà dans l’ancienne armée et ce qui faisait la plus grande valeur de cette dernière : cette école doit faire du jeune garçon un homme ; elle ne doit pas lui apprendre seulement à obéir, mais le rendre capable de commander un jour [...].

Il doit, en outre, confiant en sa propre force, conquis, comme chacun, par l’esprit de corps, se convaincre que son peuple est invincible. Le soldat ayant accompli son temps de service recevra deux documents : un diplôme de citoyen, c’est-à-dire une pièce légale lui permettant d’exercer un emploi public, et un certificat de bonne santé, attestant qu’il est physiquement apte au mariage.

Comme il le fait pour les garçons, l’État raciste dirigera l’éducation des filles, et d’après les mêmes principes. Là aussi l’importance principale doit être attachée à la formation physique ; après seulement viendra l’éducation du caractère, enfin, en dernier lieu, le développement des dons intellectuels. Il ne faut jamais perdre de vue que le but de l’éducation féminine doit être de préparer à son rôle la mère future.

Adolf Hitler, Mein Kampf, Munich, Franz Eher-Verlag, 1925, 1. Band, A Reckoning, 720 p.
Adolf Hitler (trad. J. Gaudefroy-Demonbynes & A. Calmette), Mein Kampf, Mon combat, Paris, Nouvelles Éditions latines, 1934.


Ma pédagogie est dure. Je veux une jeunesse brutale, intrépide, terrible, une jeunesse devant laquelle le monde prendra peur. Elle doit pouvoir supporter la douleur. Elle ne doit rien avoir de faible ou de tendre en elle [...]. Ma jeunesse doit être solide et belle [...]. Je ne veux pas d’éducation intellectuelle. La science corrompt la jeunesse. Je les laisserai volontiers apprendre seulement ce qu’ils acquerraient volontairement par goût du jeu. Mais ils doivent apprendre à vaincre la peur de la mort dans les épreuves les plus dures. Ceci est l’étape de la jeunesse héroïque. De celle-ci sortira l’étape de l’homme qui est la mesure et le milieu du monde, de l’homme créateur, de l’homme dieu.

Hermann Rauschning, Hitler speaks : a series of political conversations with Adolf Hitler on his real aims, Londres, Butterworth, 1939.
Hermann Rauschning, (trad. Albert Lehman), Hitler m’a dit : confidences du Führer sur son plan de conquête du monde, Paris, Coopération, 1939.


L’idée d’Hitler d’une « association de toute la nation » me fascinait. J’imaginais que cela ferait de ce monde un paradis où toutes les classes vivraient ensemble comme les membres d’une même famille. Je ne pensais pas alors que quantité de gens seraient exclus de ce paradis, les juifs, les socialistes, les infirmes.

En mars 1933, et contre le vœu de mes parents, j’adhérai secrètement à la Hitlerjugend. Nous vivions enfin délivrés de l’éternelle tutelle des adultes. Nous étions tous des jeunes responsables de nos actes. Je devins journaliste, chargée de rendre compte dans la presse locale des activités de notre groupe.

J’eus le sentiment de participer à l’édification de l’Allemagne national-socialiste. Mes parents cessèrent peu à peu de s’opposer à ma présence au sein de la HJ : la réussite d’Hitler commençait à modifier leur opinion. Le nombre des chômeurs diminuait. Tout le monde pouvait constater qu’Hitler avait rétabli l’ordre. Il nous débarrassait de la « clique juive de la République de Weimar ». Il avait quitté « la méprisable SDN », repris la Sarre, etc. Les Allemands commençaient à relever la tête ! L’Allemagne n’était plus un jouet entre les mains de ses ennemis. [...]

Entre-temps je continuais mes études tout en consacrant à la HJ tous mes instants de liberté. La vision d’un « plus grand Reich » m’obsédait. Il fallait jadis des générations pour édifier un empire. Nous voulions construire le nôtre en un clin d’œil. Je ne m’accordais donc pas un instant de repos.

Après mon examen de fin d’études, je fus envoyée pour mon temps de service civil dans un camp de Prusse-Orientale. Cette période fut la plus insouciante de ma vie. Pour la moisson, nous travaillâmes plus de quinze heures par jour. J’étais parfois si fatiguée que je tenais à peine debout. Mais j’étais heureuse parce que je me sentais utile. Il y avait parmi nous des paysannes, des étudiantes, des coiffeuses, des domestiques, des employées. L’entente qui régnait dans notre camp constituait un parfait modèle réduit du « rassemblement du peuple allemand » d’Hitler. Je croyais que l’ambiance de ce camp annonçait celle du monde à l’avenir.

Après mon service civil, je devins responsable à plein temps des organisations de jeunesse [de 1937 à 1941]. J’étais heureuse de n’avoir plus à sacrifier la HJ à ma scolarité. Pendant les deux ans qui précédèrent la guerre, la réalisation de nos rêves, l’édification d’une Allemagne impériale, nous parut à portée de la main. Le « retour » dans le sein de la mère patrie de l’Autriche et des Sudètes nous fit déborder d’enthousiasme.

Melita Maschmann, Fazit : kein Rechtfertigungsversuch [Conclusion : aucune tentative de justification], Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1963.
Melita Maschmann (trad. Anny Rouffet), Ma jeunesse au service du nazisme, Paris, Plon, 1964.