Doc. : l’inquisition médiévale

dimanche 12 février 2017
par  Julien Daget

Consigne : d’abord, il faut lire le roman Le Nom de la Rose d’Umberto Eco, publié en 1980, ou voir son adaptation vidéo par Jean-Jacques Annaud en 1986 (avec Sean Connery comme acteur principal !). Ensuite, il faut analyser les deux documents suivants avec un regard critique et montrer ce qu’ils apportent.
Méthode : l’analyse de document(s)


Résumé pour ceux qui sont trop fainéants pour lire : en 1327, une abbaye bénédictine du Nord de l’Italie est le cadre d’une véritable enquête criminelle, menée par le franciscain Guillaume de Baskerville, autour d’un livre qui tue, ou pour lequel on tue.

En arrière-plan, on voit les différences entre les bénédictins, les franciscains et les dominicains ; on observe la vie monastique, centrée sur la prière et le travail, avec des moines spécialisés : copistes, enlumineurs, traducteurs, bibliothécaires, apothicaire, cellériers, etc.
On assiste aussi à une rencontre entre deux délégations, celle des franciscains (menée par Ubertin de Casale et Michel de Césène, qui ont été excommuniés) partisans de la pauvreté, et celle de la papauté (menée par le cardinal Bertrand du Pouget) qui défend une Église puissante. Ce débat très tendu a lieu dans le contexte de la lutte des guelfes (le camp du pape d’Avignon, Jean XXII à l’époque) et des gibelins (camp de l’empereur germanique Louis IV, protégeant les franciscains).
Enfin on découvre que le frère cellérier et son assistant sont d’anciens hérétiques, des dolciniens (partisans de Fra Dolcino, chef d’un mouvement radical, brûlé pour hérésie en 1307). Ils sont alors accusés, jugés et condamnés par l’inquisiteur Bernard Gui, et finissent sur le bûcher.


Document 1 : deux exemples de la méthode inquisitoriale

MÉTHODE, ART ET PROCÉDÉS À EMPLOYER POUR LA RECHERCHE ET L’INTERROGATOIRE DES HÉRÉTIQUES, DES CROYANTS ET DE LEURS COMPLICES
Quiconque, venant en personne soit spontanément, soit sur une citation ou un appel, à comparaître comme suspect, noté ou diffamé, voire accusé du crime d’hérésie ou sous l’imputation d’avoir favorisé ou recélé des hérétiques […] devra être entendu ou interrogé, sera tenu tout d’abord, sur requête bienveillante et après discrète monition de l’inquisiteur ou de son substitut, de jurer sur les saints évangiles de Dieu de dire la pleine et entière vérité sur le fait d’hérésie et sur les fait connexes […].
Le serment prêté et reçu, il sera requis et exhorté à dire de lui-même la vérité sur tout ce qu’il sait, a su ou entendu sur le fait d’hérésie. S’il requiert un délai ou un instant de réflexion afin de répondre plus sagement, l’inquisiteur pourra, s’il le juge expédient, le lui accorder, surtout si la demande semble être faite de bonne foi et non par dol ; autrement, le prévenu sera obligé de répondre sur-le-champ de son propre fait.
À noter que si quelqu’un discutait ouvertement et manifestement contre la foi, en alléguant les arguments et autorités sur lesquels les hérétiques ont coutume de s’appuyer, celui-là serait facilement convaincu d’hérésie par les fidèles instruits de l’Église, puisqu’on l’estimerait hérétique du fait même qu’il tente de défendre l’erreur. Mais les hérétiques actuels s’essayant et cherchant à voiler leurs erreurs plutôt qu’à les avouer ouvertement, les gens versés dans la science des Écritures ne peuvent les convaincre, parce qu’ils se dérobent sous la supercherie des mots et les astuces de la pensée. […]
Il est, en effet, trop difficile d’amener les hérétiques à se découvrir quand ceux-ci, au lieu d’avouer franchement leur erreur, la cachent, ou lorsqu’on n’a pas contre eux des témoignages certains et suffisants. Dans ce cas, les embarras surgissent de toutes parts pour l’enquêteur. D’un côté, sa conscience le tourmente, s’il punit sans avoir obtenu un aveu ou convaincu d’hérésie ; de l’autre, il est d’autant plus dans l’angoisse que des expériences renouvelées l’ont renseigné sur la fausseté, la ruse, la malice de telles gens. Si ceux-ci s’échappent au châtiment grâce à leurs astuce de renards, c’est au grand dommage de la foi, car ils en deviennent plus forts, plus nombreux et plus rusés encore qu’auparavant. Par ailleurs, les laïcs solides dans la foi trouvent matière à scandale par le fait qu’on abandonne, en quelque sorte faute de méthode, un procès inquisitorial entamé.

[12.] MANIÈRE D’ABJURER LA PESTE ET ERREUR DES SORTILÈGES OU DIVINATIONS OU INVOCATIONS DE DÉMONS, SURTOUT QUAND CEUX-CI ONT UNE SAVEUR HÉRÉTIQUE, OPPOSÉE À LA VÉRITÉ DU SACREMENT D’EUCHARISTIE, DU BAPTÊME OU DES AUTRES SACREMENTS ET AU RESPECT QUI LEUR EST DÛ OU QUAND CE CULTE COMPORTE L’OFFRANDE AU DÉMON D’UN SACRIFICE OU IMMOLATION OU IMPLIQUE FORMELLEMENT QUELQUE AUTRE ERREUR CONTRE LA FOI. – Moi, N., de tel lieu, de tel diocèse, constitué en jugement devant vous, N., inquisiteur, j’abjure entièrement toute erreur et hérésie contraire à la foi catholique de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; j’abjure nommément et expressément tout baptême d’images ou d’autres objets dépourvus de raison et toute rebaptisation de gens déjà normalement et légitimement baptisés.
Item, j’abjure tout sortilège ou maléfice dans la confection duquel entrent ou doivent entrer le saint coprs du Christ, le chrême ou l’huile sainte et bénite.
Item, j’abjure toute divination ou invocation de démons, surtout quand elles comportent à l’adresse de ces derniers un témoignage d’adoration ou de vénération, des marques d’hommage, l’offrande d’un sacrifice ou l’immolation d’une victime.
Item, j’abjure la profession et pratique qui consiste à fabriquer des images de plomb, de cire ou de quelque autre substance, pour obtenir tous résultats illicites ou nocifs. […]
Item, j’abjure en général tous les sortilèges condamnés, notamment ceux qui sont destinés à procurer des effets illicites et nuisibles.
Item, je promets et jure de poursuivre, dans la mesure de mon pouvoir, de dénoncer et de faire connaître aux inquisiteurs ou prélats celui ou ceux qui se livreraient à l’une ou l’autre des pratiques susdites, en tout temps et partout où je connaîtrai leur présence.
Item, je jure et promets de professer, pratiquer et défendre la foi catholique que l’Église romaine enseigne et pratique.
Item, je jure et promets d’obtempérer et d’obéir aux mandats de l’Église et des inquisiteurs, de me présenter devant eux ou leurs délégués aux jours fixés, quand et aussi souvent que je serai mandé ou requis par messager, par lettre ou autrement ; de ne jamais me dérober ni m’abstenir de comparaître, sciemment et par contumace ; d’accepter et d’acquitter, dans la mesure de mes moyens, la peine ou pénitence que l’on m’aura imposée.
Je m’y oblige et m’en porte garant, moi et mes biens.

Bernard Gui (1261-1331, inquisiteur de Toulouse de 1308 à 1323), Practica inquisitionis ; (trad. Guillaume Mollat), Manuel de l’inquisition, Paris, Les Belles Lettres, 2006, p. 3-7, 29 et 51-53.


Document 2 : l’image de l’inquisition

Jean-Paul Laurens, L’Agitateur du Languedoc, 1887
peinture à l’huile sur toile conservée au musée des Augustins de Toulouse, 115,5 x 149 cm.

Le franciscain Bernard Délicieux face à l’inquisiteur, aux évêques et abbés, défendant un accusé d’hérésie.

Jean-Paul Laurens, L’Interrogatoire, 1881
peinture à l’huile sur toile conservée au musée d’Orsay de Paris, 27 x 41 cm.

Début d’un interrogatoire de Bernard Délicieux par les inquisiteurs dominicains avec utilisation de l’estrapade.

Le peintre Jean-Paul Laurens (1838-1921), né près de Toulouse, était un républicain et un anticlérical. Il s’est inspiré pour cette série de toile (avec La Délivrance des emmurés de Carcassonne, qui devait être complétée par Après la Question) du livre de Barthélemy Hauréau Bernard Délicieux et l’Inquisition albigeoise (1300-1320) publié chez Hachette en 1877.


Documents joints

L'inquisition médiévale