1958, « Je vous ai compris ! »

jeudi 29 décembre 2016
par  Julien Daget


Je vous ai compris !
Je sais ce qui s’est passé ici ! Je vois ce que vous avez voulu faire. Je vois que la route que vous avez ouverte en Algérie, c’est celle de la rénovation et de la fraternité...

Je dis la rénovation à tous égards. Mais très justement, vous avez voulu que celle-ci commence par le commencement, c’est-à-dire par nos institutions, et c’est pourquoi me voilà...

Et je dis la fraternité parce que vous offrez ce spectacle magnifique d’hommes qui d’un bout à l’autre, quelles que soient leurs communautés, communient dans la même ardeur et se tiennent par la main...

Eh bien ! De tout cela je prends acte au nom de la France... et je déclare qu’à partir d’aujourd’hui la France considère que dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants... il n’y a que des Français à part entière... des Français à part entière avec les mêmes droits et les mêmes devoirs...

Cela signifie qu’il faut ouvrir des voies qui jusqu’à présent étaient fermées devant beaucoup.

Cela signifie qu’il faut donner les moyens de vivre à ceux qui ne les avaient pas...

Cela signifie qu’il faut reconnaître la dignité de ceux à qui on la contestait...

Cela veut dire qu’il faut assurer une patrie à ceux qui pouvaient douter d’en avoir une... (...)

Français à part entière dans un seul et même collège, nous allons le montrer, pas plus tard que dans trois mois dans l’occasion solennelle où tous les Français, y compris les dix millions de Français d’Algérie, auront à décider... auront à décider de leur propre destin...

Pour ces dix millions de Français-là, leurs suffrages compteront autant que les suffrages de tous les autres...

Ils auront à désigner, à élire, je le répète en un seul collège, leurs représentants pour les Pouvoirs publics, comme le feront tous les autres Français...

Puissent-ils participer en masse à cette immense démonstration, tous ceux de vos villes, de vos douars, de vos plaines, de vos djebels.

Puissent-ils même y participer ceux-là, qui par désespoir ont cru devoir mener sur ce sol un combat dont je reconnais, moi, qu’il est courageux, car le courage ne manque pas sur la terre d’Algérie... qu’il est courageux, mais qu’il n’en est pas moins cruel et fratricide.

Moi, de Gaulle, à ceux-là j’ouvre la porte de la réconciliation...

Jamais plus qu’ici et plus que ce soir, je n’ai senti combien c’est beau, combien c’est grand, combien c’est généreux la France !

Charles de Gaulle, Alger, 4 juin 1958.
Transcription établie à partir du film du Service cinéma des armées (ECPA, SCA n° 148). Les points de suspension correspondent aux interruptions provoquées par les acclamations et les applaudissements de la foule.