Doc. : croissance et crises

dimanche 20 novembre 2016
par  Julien Daget

Consigne : à travers l’analyse des deux documents, vous expliquerez comment les deux auteurs expliquent les périodes de difficultés économiques.
Méthode : l’étude critique


Document 1 : la fin d’un système

Alors un doute immense commence à troubler les esprits. L’idée qu’il faut surproduire pour qu’on surachète, c’est-à-dire l’idée qui domine la vie économique du pays, est-elle juste ? Quand le marché est saturé et que la production continue, que devenir ? On a fait une campagne de publicité pour que chaque famille achète deux autos : une seule ne suffit pas. Lui persuadera-t-on d’en acheter trois ? On achète à crédit son auto, sa maison, son réfrigérateur, son pardessus, ses chaussures. Les temps vient pourtant où il faut régler son compte. Les marchés intérieurs se ferment : l’Europe est rétive depuis les tarifs [1], l’Amérique du Sud est occupée par ses révolutions. Bref, il faut arrêter la surproduction puisqu’il manque la contrepartie et qu’on ne consent plus à suracheter ; mais un tel arrêt ne va pas sans déchets, sans chômage et sans inquiétude pour l’avenir immédiat. Le malaise est là. Il va plus loin que l’effondrement de certaines fortunes, plus loin même que la faillite, la disparition ou le suicide de quelques hommes d’affaires. Il y avait une conviction établie, une méthode qui avait donné ses preuves, un système économique qui semblait infaillible et voici que les principes qui ont fait la gloire de l’Amérique sont remis en question.

Paul Hazard, « Le malaise américain », L’Illustration, n° 4583, 3 janvier 1931.
Cité dans Serge Latouche, Petit traité de la décroissance sereine, Paris, éditions Mille et une nuits, 2007.


Document 2 : la destruction créatrice

Considérons ces fluctuations de longue durée affectant l’activité économique dont l’analyse nous révèle, davantage que celle de n’importe quel autre phénomène, la nature et le mécanisme de l’évolution capitaliste. Chacune de ces oscillations comprend une « révolution industrielle », puis l’assimilation des effets de cette dernière. […]
De telles révolutions remodèlent périodiquement la structure existante de l’industrie, en introduisant de nouvelles méthodes de production – l’usine mécanisée, l’usine électrifiée, la synthèse chimique, et ainsi de suite ; de nouveaux biens – tels que les services ferroviaires, les automobiles, les appareils électriques ; de nouvelles formes d’organisation – telles que les fusions de sociétés ; de nouvelles sources d’approvisionnement – laine de la Plata, coton d’Amérique, cuivre du Katanga [2] ; de nouvelles routes commerciales et de nouveaux marchés pour les achats ou pour les ventes.
Ce processus de mutation industrielle imprime l’élan fondamental qui donne leur ton général aux affaires : pendant que ces nouveautés sont mises en train, la dépense est facile et la prospérité est prédominante – nonobstant, bien entendu, les phases négatives des cycles plus courts superposés à la tendance fondamentale en hausse – mais, en même temps que ces réalisations s’achèvent et que leurs fruits se mettent à affluer, l’on assiste à l’élimination des éléments périmés de la structure économique et la « dépression » est prédominante. Ainsi se succèdent des périodes prolongées de gonflement et de dégonflement des prix, des taux d’intérêt, de l’emploi, et ainsi de suite, ces phénomènes constituant autant de pièces du mécanisme de rajeunissement récurrent de l’appareil de production.
Or, ces révolutions se traduisent chaque fois par une avalanche de biens de consommation qui approfondit et élargit définitivement le courant du revenu réel, même si, initialement, elle provoque des troubles, des pertes et du chômage.

Joseph Schumpeter, Capitalism, Socialism, and Democracy, New York, Harper & Brothers, 1942 (réimpression en 1943, 1944, 1947, 1950, 1952, 1954, 1974, 1976, 1987, 1992 et 2008). → http://cnqzu.com/library/Economics/marxian%20economics/Schumpeter,%20Joeseph-Capitalism,%20Socialism%20and%20Democracy.pdf
Joseph Schumpeter (trad. Gaël Fain), Capitalisme, Socialisme et Démocratie, Paris, édition Payot, 1946 (réimpression en 1961, 1963, 1979, 1983, 1990 et 2011) [3].


[1Les États-Unis ont décidé en 1930 une hausse brutale des tarifs douaniers sur leurs importations.

[2Le Río de la Plata est l’estuaire entre l’Argentine et l’Uruguay, le Katanga une province méridionale du Congo.

[3Extrait du chapitre 5 « Le taux de croissance de la production totale », dans la 2e partie « Le capitalisme peut-il survivre ? ».


Documents joints

Croissance et crise