1947, Truman vs Jdanov
par
Deux discours qui s’affrontent :
- celui de Harry Truman le 12 mars 1947 ;
- celui d’Andreï Jdanov le 22 septembre 1947.
La doctrine Truman
Monsieur le président, monsieur le Speaker, membres du Congrès des États-Unis d’Amérique :
La gravité de la situation à quoi est confronté le monde aujourd’hui rend nécessaire mon intervention avant une session commune du Congrès. La politique étrangère et la sécurité nationale de ce pays sont concernées.
L’aspect de la situation actuelle que je souhaite soumettre maintenant à votre attention et à votre décision, concerne la Grèce et la Turquie. Les États-Unis ont reçu du gouvernement grec un appel pressant pour une aide financière et économique. Les rapports préliminaires de la mission économique américaine présentement en Grèce et les rapports de l’ambassadeur américain en Grèce corroborent le position exprimée par le gouvernement grec selon lequel l’aide est impérative pour que la Grèce puisse survivre en tant que nation libre.
Je ne crois pas que les Américains et le Congrès souhaitent faire la sourde oreille à l’appel du gouvernement grec. La Grèce n’est pas un pays riche. Le manque de ressources naturelles suffisantes a toujours obligé les Grecs à travailler beaucoup pour arriver à un résultat.
Depuis 1940, ce pays travailleur et pacifique a souffert de l’invasion, de quatre années d’une cruelle occupation ennemie, et d’amers différends internes. Quand les forces de libération sont entrées en Grèce, elles ont constaté que les Allemands en retraite avaient détruit pratiquement tous les chemins de fer, les routes, les installations portuaires, les voies de communications et la marine marchande. Plus que mille villages avaient été brûlés. Cinquante pour cent des enfants étaient tuberculeux. Le bétail, les volailles et les animaux de trait avaient presque disparu. L’inflation avait éliminé pratiquement toute l’épargne.
En raison de ces conditions tragiques, une minorité armée, voulant exploiter l’homme et la misère, a été capable de créer le chaos politique qui, jusqu’ici, a rendu le rétablissement économique impossible. La Grèce est aujourd’hui sans ressources pour financer l’importation de ces marchandises qui sont essentielles pour assurer sa subsistance. Dans ces circonstances, le peuple grec ne peut pas accomplir de progrès pour résoudre ses problèmes de reconstruction. La Grèce est dans un besoin désespéré d’aide financière et économique, qui lui permettrait de reprendre ses achats de nourriture, d’habillement, de carburant et de céréales. Cela est indispensable pour la subsistance des personnes et cela ne peut être trouvé qu’à l’étranger seulement. La Grèce doit obtenir l’aide pour importer les marchandises nécessaires, afin de reconstituer l’ordre interne et la sécurité si essentiels pour le rétablissement économique et politique.
Le gouvernement grec a également demandé l’aide des administrateurs, des économistes et des techniciens américains expérimentés pour s’assurer que l’aide financière et autre octroyée en Grèce sera employée efficacement de façon à établir une économie stable et autonome, et à améliorer son administration publique.
L’existence même de l’État grec est aujourd’hui menacée par les activités terroristes de plusieurs milliers d’hommes armés, menés par les communistes, qui défient l’autorité du gouvernement en un certain nombre de points, en particulier le long des frontières septentrionales. Une commission désignée par le Conseil de sécurité des Nations Unies étudie actuellement les troubles en Grèce septentrionale et les violations de frontières présumées le long de la frontière entre la Grèce, d’une part, et l’Albanie, la Bulgarie et la Yougoslavie de l’autre.
En attendant, le gouvernement grec ne peut pas faire face à la situation. L’armée grecque est petite et mal équipée. Il a besoin d’approvisionnements et d’équipements s’il veut être en mesure de reconstituer l’autorité du gouvernement dans tout le territoire grec.
La Grèce doit obtenir l’aide, si elle veut devenir une démocratie autonome et respectée. Les États-Unis doivent assurer cette aide. Nous avons déjà étendu à la Grèce le bénéfice de certaines mesures d’urgence et d’aide économique, mais c’est insuffisant. Il n’y a aucun autre pays vers lequel la Grèce démocratique peut se tourner. Aucune autre nation ne dispose et ne peut fournir l’appui nécessaire au gouvernement grec démocratique.
Le gouvernement britannique, qui avait aidé la Grèce, ne peut octroyer davantage de secours financiers ou économiques après le mois de mars. La Grande-Bretagne se trouve dans la nécessité de réduire ou de supprimer ses engagements dans plusieurs régions du monde, y compris la Grèce. Nous nous sommes interrogé sur la façon dont les Nations Unies pouvaient aider à résoudre cette crise. Mais la situation exige une première action d’urgence immédiate, et les Nations Unies et ses organismes spécialisés ne sont pas en mesure de prolonger l’aide exigée par la situation.
Il est important de noter que le gouvernement grec a demandé notre aide après avoir utilisé efficacement l’aide financière et autre que nous avons pu apporter à la Grèce, et amélioré l’administration publique. Il est primordial que nous dirigions l’utilisation de tous les fonds rendus disponibles en Grèce, de telle façon que chaque dollar dépensé puisse compter pour faire avancer la Grèce vers l’autonomie, et permette d’aider à établir une économie dans laquelle une démocratie saine puisse s’épanouir.
Aucun gouvernement n’est parfait. Une des vertus primordiales dans une démocratie est, cependant, que ses défauts sont toujours évidents et, dans un cadre démocratique, peuvent être distingués et corrigés. Le gouvernement de la Grèce n’est pas parfait. Néanmoins il représente 85 % des membres du Parlement grec qui a été élu l’an dernier. Les observateurs étrangers, y compris 692 Américains, ont considéré cette élection comme étant la juste expression des opinions des Grecs.
Le gouvernement grec avait fonctionné dans une atmosphère de chaos et d’extrémisme. Il a fait des erreurs. La prolongation de l’aide à ce pays ne signifie pas que les États-Unis pardonnent tout que le gouvernement grec a fait ou fera. Nous avons condamné dans le passé, et nous condamnons aujourd’hui, les actions extrémistes de droite ou de gauche. Nous avons conseillé la tolérance dans le passé, et nous conseillons la tolérance aujourd’hui.
Le voisin de la Grèce, la Turquie, mérite également notre attention. L’avenir de la Turquie, en tant qu’État indépendant et économiquement solide, n’est clairement pas moins assuré parmi les peuples pacifiques du monde que l’avenir de la Grèce. Les circonstances dans lesquelles la Turquie se trouve aujourd’hui sont considérablement différentes de ceux de la Grèce. La Turquie a été préservée des désastres qu’a subi la Grèce. Et pendant la guerre, les États-Unis et la Grande-Bretagne ont fourni une aide matérielle à la Turquie. Néanmoins, la Turquie a besoin maintenant de notre appui. Depuis la guerre, la Turquie a demandé l’aide financière de la Grande-Bretagne et des États-Unis afin d’effectuer la modernisation nécessaire pour préserver son intégrité nationale. Cette intégrité est essentielle à la conservation de l’ordre au Moyen-Orient.
Le gouvernement britannique nous a informés que, en raison de ses propres difficultés, il peut plus apporter d’aide financière ou économique à la Turquie. Comme dans le cas de la Grèce, si la Turquie doit pouvoir obtenir l’aide dont elle a besoin, ce sont les États-Unis qui doivent les lui fournir. Nous sommes le seul pays capable de fournir cette aide.
Je me rends pleinement compte des conséquences importantes qu’impliquerait la prolongation de l’aide des États-Unis en Grèce et en Turquie, et j’aborderai ces implications avec vous maintenant.
Un des premiers objectifs de la politique étrangère des États-Unis est la création des conditions dans lesquelles nous, et d’autres nations, pourrons établir une façon de vivre librement en dehors de toute contrainte. C’était l’un des buts fondamentaux dans la guerre avec l’Allemagne et le Japon. Notre victoire a été remportée sur des pays qui ont cherché à imposer à d’autres nations leur volonté et leur mode de vie. Pour assurer le développement paisible des nations, en dehors de toute contrainte, les États-Unis ont pris une part importante dans l’établissement des Nations Unies. Les Nations Unies sont conçues pour assurer à tous ses membres la liberté et l’indépendance la plus durable possible. Nous ne réaliserons cependant pas nos objectifs à moins d’être disposés à aider les peuples libres à conserver leurs institutions libres et leur intégrité nationale contre les factions agressives qui cherchent à imposer à ces peuples des régimes totalitaires.
Nous ne pouvons douter que les régimes totalitaires imposés aux peuples libres, par agression directe ou indirecte, menacent les bases de la paix internationale et, par conséquent, la sécurité des États-Unis. Les peuples d’un certain nombre de pays du monde ont récemment eu des régimes totalitaires qui se sont imposés à eux contre leur volonté. Le gouvernement des États-Unis a émis de fréquentes protestations contre la contrainte et l’intimidation exercées en violation de l’accord de Yalta, en Pologne, en Roumanie, et en Bulgarie. Je dois également déclarer que dans un certain nombre d’autres pays il y a eu des actions semblables.
Dans ce présent moment de l’histoire du monde, presque chaque nation doit choisir entre deux façons de vivre. Souvent, le choix n’est pas trop libre. Le premier mode de vie est basé sur la volonté de la majorité, et se caractérise par des institutions libres, un gouvernement représentatif, des élections libres, des garanties pour la liberté individuelle, la liberté de parole et de croyance, et l’absence d’oppression politique. La deuxième façon de vivre est basée sur la volonté d’une minorité imposée de force à la majorité. Elle se caractérise par la terreur et l’oppression, une presse écrite et une radio contrôlées, des élections déterminées, et la suppression des libertés personnelles.
Je crois que cela doit être la politique des États-Unis que de soutenir les peuples libres qui résistent à l’assujettissement imposé par des minorités armées ou par des pressions extérieures. Je crois que nous devons aider les peuples libres à décider par eux-mêmes de leur propre destin. Je crois que notre aide devrait principalement avoir la forme d’une aide économique et financière, essentielle à la stabilité économique et à l’ordonnancement des processus politiques.
Le monde n’est pas statique, et le statu quo n’est pas sacré. Mais nous ne pouvons pas permettre que des changements de ce statu quo se fassent en violation de la Charte des Nations unies, par des méthodes telles que la coercition ou par des subterfuges tels que l’infiltration politique. En aidant des nations libres et indépendantes à maintenir leur liberté, les États-Unis rendront effectifs les principes de la Charte des Nations Unies.
Il est nécessaire de jeter seulement un coup d’œil sur une carte pour se rendre compte que la survie et l’intégrité de la nation grecque sont d’une grave importance dans un cadre beaucoup plus large. Si la Grèce tombe sous le contrôle d’une minorité armée, les conséquences sur son voisin, la Turquie, seraient immédiates et graves. La confusion et le désordre pourraient s’étendre au Moyen-Orient tout entier. D’ailleurs, la disparition de la Grèce comme État indépendant aurait un profond effet sur ces pays d’Europe dont les peuples luttent contre de grandes difficultés pour maintenir leurs libertés et leur indépendance, tandis qu’ils font face aux destructions de la guerre. Ce serait une tragédie indescriptible si ces pays, qui ont pendant si longtemps lutté contre un destin accablant, ne remportaient pas la victoire pour laquelle ils ont tant sacrifié. L’effondrement des institutions libres et la perte de l’indépendance seraient désastreux non seulement pour eux mais pour le monde. Le découragement et probablement l’échec constituerait rapidement le sort des peuples voisins tâchant de maintenir leur liberté et leur indépendance.
Si nous ne favorisons pas l’aide à la Grèce et à la Turquie en cette heure fatidique, l’effet sera important à l’Ouest aussi bien qu’à l’Est. Nous devons prendre une mesure immédiate et résolue.
Aussi, je demande au Congrès le pouvoir d’octroyer une aide à la Grèce et à la Turquie de l’ordre de 400 milliards de dollars sur une période se terminant le 30 juin 1948. En demandant ces fonds, j’ai pris en compte la quantité maximale d’aide d’urgence qui serait fournie en Grèce en dehors des 350 millions de dollars que j’ai récemment demandé au titre de ce que le Congrès autorise pour la prévention de la famine et souffrances endurés par les pays dévastés par la guerre.
En plus des fonds, je demande au Congrès de pouvoir envoyer le petit groupe de civils et de militaires américains en Grèce et en Turquie, sur demande de ces pays, pour aider au problème de la reconstruction, et afin de diriger l’utilisation de l’aide financière et matérielle qui peut être fournie. Je recommande que ce pouvoir couvre également l’instruction et la formation du personnel grec et turc choisi.En conclusion, je demande que le Congrès donne le pouvoir nécessaire pour une utilisation effective, en termes de produits nécessaires, des approvisionnements et équipements que de tels fonds pourront permettre d’obtenir. Si d’autres fonds ou davantage de pouvoirs sont nécessaires pour atteindre les objectifs indiqués dans ce message, je n’hésiterai pas à rendre compte de la situation devant le Congrès. À ce sujet, les branches exécutives et législatives du gouvernement doivent fonctionner ensemble.
C’est une grave direction que nous empruntons. Je ne le recommanderai pas s’il y avait une alternative plus sérieuse.
Les États-Unis ont contribué à hauteur de 341 milliards de dollars pour gagner la deuxième guerre mondiale. C’est un investissement dans la liberté du monde et la paix du monde. L’aide que je demande au profit de la Grèce et de la Turquie représente un peu plus d’un dixième d’un pour cent de cet investissement. Ce serait une décision de bon sens de préserver cet investissement et de s’assurer qu’il n’a pas été fait en vain.
Les graines des régimes totalitaires se nourrissent de la misère et de la nécessité. Elles s’étendent et croissent dans le sol mauvais de la pauvreté et des différends. Elles atteignent leur pleine croissance quand l’espoir d’un peuple en une vie meilleure est mort. Nous devons maintenir cet espoir vivant. Les peuples libres du monde attendent de nous l’appui nécessaire au maintien de leurs libertés. Si nous hésitons dans notre conduite, nous pouvons mettre en danger la paix du monde et nous mettrons à coup sûr en danger le bien-être de notre propre nation.
De grandes responsabilités ont été placées sur nous par le jeu rapide des événements. Je suis certain que le Congrès fera face à ces responsabilités de façon nette.
Harry S. Truman, Address of the President of the United States delivered before a joint session of the Senate an the House of Representatives, recommending assistance to Greece and Turkey, 12 mars 1947.
Sources : http://www.fordham.edu/ ; http://legacy.wilsoncenter.org/ ; http://en.wikisource.org/ ; http://avalon.law.yale.edu/ ; http://icp.ge.ch/
→ http://www.trumanlibrary.org/
La doctrine Jdanov
I. LA SITUATION INTERNATIONALE APRÈS LA GUERRE
La fin de la Seconde Guerre mondiale a apporté des changements essentiels dans l’ensemble de la situation mondiale. La défaite militaire du bloc des États fascistes, le caractère antifasciste et de libération de la guerre, le rôle décisif joué par l’Union Soviétique dans la victoire sur les agresseurs fascistes tout cela a conduit à un changement radical dans le rapport des forces entre les deux systèmes — socialiste et capitaliste en faveur du socialisme. En quoi consistent ces changements ?
Le résultat principal de la Seconde Guerre mondiale consiste dans la défaite militaire de l’Allemagne et du Japon — les deux pays les plus militaristes et les plus agressifs du capitalisme. Les éléments réactionnaires impérialistes du monde entier, et particulièrement en Angleterre, aux États-Unis d’Amérique et en France, avaient fondé des espoirs particuliers sur l’Allemagne et le Japon, et surtout sur l’Allemagne hitlérienne, premièrement, en tant que force la plus capable de porter un coup tel à l’Union Soviétique qu’il aurait pu l’affaiblir et miner son influence sinon l’écraser, et deuxièmement, en tant que force capable d’écraser le mouvement ouvrier révolutionnaire et démocratique en Allemagne même et dans tous les pays qui étaient l’objet de l’agression hitlérienne. On visait, de cette façon, à consolider la situation générale du capitalisme.C’est là qu’il faut chercher l’origine et l’une des principales causes de la politique munichoise d’avant-guerre, politique d’ « apaisement » et d’encouragement à l’agression fasciste, politique menée méthodiquement par les milieux impérialistes dirigeants d’Angleterre, de France et des États-Unis d’Amérique. Cependant, les espoirs que les impérialistes anglo-franco-américains nourrissaient à l’égard des hitlériens ne se sont pas justifiés. Contrairement à ce que supposaient les munichois, les hitlériens ont prouvé qu’ils étaient plus faibles, tandis que l’Union Soviétique et les peuples épris de liberté ont prouvé qu’ils étaient plus forts.
Ainsi, la Seconde Guerre mondiale a eu pour résultat ceci : les forces principales de la réaction fasciste internationale militante ont été mises en déroute et se sont trouvées pour longtemps hors de combat. Par conséquent, le système capitaliste mondial, dans son ensemble, a subi de nouveau un coup sérieux.Si le résultat le plus important de la Première Guerre mondiale fut la rupture du front uni de l’impérialisme et le détachement de la Russie du système capitaliste mondial ; si, par suite de la victoire du régime socialiste en URSS, le capitalisme a cessé d’être le système universel unique de l’économie mondiale, le résultat de la Seconde Guerre mondiale, avec la défaite du fascisme, avec l’affaiblissement des positions mondiales du capitalisme et le renforcement du mouvement antifasciste, a été le détachement de toute une série de pays de l’Europe centrale et sud-orientale du système impérialiste. De nouveaux régimes populaires et démocratiques ont surgi dans ces pays.
Le grand exemple de la guerre patriotique de l’Union Soviétique, le rôle libérateur de l’Armée soviétique se confondaient avec l’élan de la lutte de masse de libération nationale des peuples épris de liberté contre les occupants fascistes et leurs complices. Au cours de cette lutte ont été démasqués, comme traîtres aux intérêts nationaux, les éléments pro-fascistes qui avaient collaboré avec Hitler : gros capitalistes influents, grands propriétaires fonciers, hauts fonctionnaires, officiers monarchistes.
Dans les pays danubiens, la libération de l’esclavage germano-fasciste s’est accompagnée, d’une part, de l’élimination du pouvoir de la couche supérieure de la bourgeoisie et des gros propriétaires terriens, compromise par sa collaboration avec le fascisme allemand, et, d’autre part, de l’arrivée au pouvoir de nouvelles forces du peuple qui avaient fait leurs preuves durant la lutte contre les oppresseurs hitlériens. Dans ces pays, ce sont les représentants des ouvriers, des paysans, des intellectuels progressifs qui sont arrivés au pouvoir. Partout, dans ces pays, ce fut la classe ouvrière qui a manifesté le plus grand héroïsme, le plus de conséquence et d’intransigeance dans la lutte antifasciste, et, partant, son autorité et son influence parmi le peuple se sont énormément accrues. Le nouveau pouvoir démocratique en Yougoslavie, en Bulgarie, en Roumanie, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et en Albanie, s’appuyant sur les masses populaires, a réussi à réaliser, dans le délai le plus court, des transformations démocratiques progressives telles que la bourgeoisie n’est déjà plus capable d’en faire.
La réforme agraire a remis la terre aux paysans et a conduit à la liquidation de la classe des hobereaux. La nationalisation de la grande industrie et des banques et la confiscation de la propriété des traîtres qui avaient collaboré avec les Allemands ont sapé d’une manière radicale des positions du capital monopoliste dans ces pays et ont affranchi les masses de la servitude impérialiste. En même temps, ont été établis les fondements de la propriété de l’État. Un nouveau type d’État a été créé : la république populaire, où le pouvoir appartient au peuple, où la grande industrie, le transport et les banques appartiennent à l’État et où la force dirigeante est constituée par le bloc des classes travailleuses de la population, ayant à sa tête la classe ouvrière. Les peuples de ces pays se sont non seulement libérés de l’étau impérialiste, mais ils sont en train d’édifier les bases du passage vers le développement socialiste.
L’importance et l’autorité internationale de l’URSS se sont considérablement accrues à la suite de la guerre. L’URSS a été la force dirigeante et l’âme de l’écrasement militaire de l’Allemagne et du Japon. Les forces démocratiques progressives du monde entier se sont rassemblées autour de l’Union soviétique. L’État socialiste, aux prises mortelles avec l’ennemi le plus puissant, est sorti victorieux des terribles épreuves de la guerre. L’Union soviétique est sortie de la guerre renforcée.
La face du monde capitaliste a changé elle aussi bien sensiblement. Des six puissances appelées « grandes » (l’Allemagne, le Japon, l’Angleterre, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Italie), trois ont été éliminées par suite de la défaite militaire : l’Allemagne, l’Italie, le Japon. La France aussi a été affaiblie et a perdu son ancienne signification de grande puissance. Ainsi, il ne reste plus que deux « grandes » puissances impérialistes mondiales : les États-Unis et l’Angleterre.Mais les positions de l’un de ces pays, l’Angleterre, se sont trouvées ébranlées. Durant la guerre, l’impérialisme anglais s’est montré affaibli du point de vue militaire et politique. En Europe, l’Angleterre s’est montrée impuissante devant l’agression allemande. En Asie, l’Angleterre — la plus grande puissance impérialiste — n’a pas réussi par ses propres forces à sauvegarder ses propres possessions coloniales. Ayant temporairement perdu ses liaisons avec les colonies, qui approvisionnaient la métropole en denrées alimentaires et en matières premières et qui absorbaient une partie considérable de sa production industrielle, l’Angleterre s’est trouvée, du point de vue de son économie de guerre et en ce qui concerne ses propres fournitures industrielles et alimentaires, dépendante de l’Amérique. Depuis la fin de la guerre, la dépendance financière et économique de l’Angleterre à l’égard des États-Unis d’Amérique n’a fait que croître.
Après la guerre, l’Angleterre a recouvré ses colonies : cependant, elle s’y est heurtée à une influence renforcée de l’impérialisme américain qui, pendant la guerre, avait déployé son activité dans toutes les zones considérées jusque-là comme des sphères d’influence du capitalisme monopoliste anglais : l’Orient arabe, l’Asie du Sud-Est. L’influence de l’Amérique s’est renforcée dans les dominions de l’Empire britannique et en Amérique du Sud, où le rôle joué par l’Angleterre lui échappe de plus en plus au bénéfice des États-Unis d’Amérique.
La crise du système colonial, accentuée par l’issue de la Seconde Guerre mondiale, se manifeste par le puissant essor du mouvement de libération nationale dans les colonies et les pays dépendants. Par là même, les arrières du système capitaliste se trouvent menacés. Les peuples des colonies ne veulent plus vivre comme par le passé. Les classes dominantes des métropoles ne peuvent plus gouverner les colonies comme auparavant. Les tentatives d’écrasement du mouvement de libération nationale par la force militaire se heurtent maintenant à la résistance armée croissante des peuples des colonies et conduisent à des guerres coloniales de longue durée : Hollande en Indonésie, France au Vietnam. La guerre, qui a à son origine le développement inégal du capitalisme dans les différents pays, a conduit à une nouvelle aggravation de cette inégalité.
De toutes les puissances capitalistes, une seule — les États-Unis d’Amérique — est sortie de la guerre sans être affaiblie, mais considérablement renforcée tant économiquement que militairement. Les capitalistes américains ont grassement profité de la guerre. Le peuple américain n’a pas souffert des privations accompagnant la guerre, ni du joug de l’occupation, ni des bombardements aériens, tandis que ses pertes humaines n’ont pas été comparativement nombreuses, puisque les États-Unis, en fait, n’ont pris part qu’à la dernière étape de la guerre, alors que le sort de celle-ci était déjà décidé. Pour les États-Unis, la guerre a servi avant tout d’impulsion à un large développement de la production industrielle, au renforcement décisif de l’exportation, principalement vers l’Europe.
La fin de la guerre a posé devant les États-Unis une série de nouveaux problèmes. Les monopoles capitalistes se sont efforcés de maintenir le niveau élevé de leurs profits de guerre. Dans ce dessein, ils ont recherché à ce que le volume des commandes du temps de guerre ne soit pas réduit. Mais pour cela les États-Unis devaient conserver tous les marchés extérieurs qui absorbaient la production américaine durant la guerre, et conquérir de nouveaux marchés, puisque s’est produite à la fin de la guerre une forte réduction de la capacité d’achat de la majorité des pays. En même temps, la dépendance financière et économique de ces pays à l’égard des États-Unis d’Amérique s’est accrue. Les États-Unis ont investi à l’étranger des crédits pour la somme de 19 milliards de dollars, non compris les investissements à la Banque internationale et au Fonds international des changes. Les principaux concurrents des États-Unis — l’Allemagne et le Japon — ont disparu du marché mondial, et cela a ouvert de nouvelles et très grandes possibilités aux États-Unis d’Amérique.
Si, avant la Seconde Guerre mondiale, les cercles réactionnaires les plus influents de l’impérialisme américain s’en tenaient à la politique isolationniste et s’abstenaient d’intervenir activement dans les affaires de l’Europe et de l’Asie, maintenant, dans les nouvelles conditions d’après-guerre, les maîtres de Wall Street font une autre politique. Ils ont dressé un programme d’utilisation de toute la puissance militaire et économique américaine, non seulement pour conserver et consolider les positions conquises à l’étranger pendant la guerre, mais aussi pour les étendre au maximum en se substituant sur le marché mondial à l’Allemagne, au Japon et à l’Italie.
L’affaiblissement considérable de la puissance économique des autres États capitalistes a fait surgir la possibilité d’utilisation spéculative des difficultés économiques d’après guerre, ce qui favorise la mise de ces États sous le contrôle des États-Unis. Cet affaiblissement a permis en particulier l’utilisation des difficultés économiques d’après guerre de la Grande-Bretagne. Les États-Unis d’Amérique ont proclamé un nouveau cours ouvertement conquérant et expansionniste. Le but que se propose le nouveau cours expansionniste des États-Unis est l’établissement de la domination mondiale de l’impérialisme américain. Ce nouveau cours vise à la consolidation de la situation de monopole des États-Unis sur les marchés, monopole qui s’est établi par suite de la disparition de leurs deux concurrents les plus grands — l’Allemagne et le Japon — et par l’affaiblissement des partenaires capitalistes des États-Unis : l’Angleterre et la France. Ce nouveau cours compte sur un large programme de mesures d’ordre militaire, économique et politique, dont l’application établirait dans tous les pays visés par l’expansionnisme des États-Unis la domination politique et économique de ces derniers, réduirait ces pays à l’état de satellites des États-Unis, y instaurerait des régimes intérieurs qui élimineraient tout obstacle de la part du mouvement ouvrier et démocratique à l’exploitation de ces pays par le capital américain. Les États-Unis d’Amérique cherchent à étendre actuellement l’application de ce nouveau cours politique non seulement envers les ennemis de la guerre d’hier, ou envers les États neutres, mais aussi de façon toujours plus grande, envers les alliés de guerre des États-Unis d’Amérique.
On attache une attention spéciale à l’utilisation des difficultés économiques de l’Angleterre — l’allié et en même temps le rival capitaliste et concurrent de longue date des États-Unis. Le cours expansionniste américain a pour point de départ la considération que, non seulement il faudra ne pas détendre l’étau de la dépendance économique vis-à-vis des États-Unis, dans lequel l’Angleterre est tombée durant la guerre, mais, au contraire, renforcer la pression sur l’Angleterre, afin de lui ravir successivement son contrôle sur les colonies, l’évincer de ses sphères d’influence et la réduire à l’état de vassal. Ainsi, par leur nouvelle politique, les États-Unis tendent à raffermir leur situation de monopole et comptent assujettir et mettre sous leur dépendance leurs propres partenaires capitalistes.
Mais, sur le chemin de leurs aspirations à la domination mondiale, les États-Unis se heurtent à l’URSS avec son influence internationale croissante, comme au bastion de la politique anti-impérialiste et antifasciste, aux pays de la nouvelle démocratie qui ont échappé au contrôle de l’impérialisme anglo-américain, aux ouvriers de tous les pays, y compris les ouvriers de l’Amérique même, qui ne veulent pas de nouvelle guerre de domination au profit de leurs propres oppresseurs. C’est pourquoi le nouveau cours expansionniste et réactionnaire de la politique des États-Unis vise à la lutte contre l’URSS, contre les pays de la nouvelle démocratie, contre le mouvement ouvrier de tous les pays, contre le mouvement ouvrier aux États-Unis, contre les forces anti-impérialistes de libération dans tous les pays. Les réactionnaires américains, inquiets des succès du socialisme en URSS, des succès des pays de la nouvelle démocratie et de la croissance du mouvement ouvrier et démocratique dans tous les pays du monde entier, après la guerre, sont enclins à se fixer comme tâche celle de « sauver » le système capitaliste du communisme.
De sorte que le programme franchement expansionniste des États-Unis rappelle extraordinairement le programme aventurier des agresseurs fascistes, qui a misérablement échoué, agresseurs qui, comme on le sait, se considéraient naguère aussi comme des prétendants à la domination mondiale. Comme les hitlériens, lorsqu’ils préparaient l’agression de brigandage afin de s’assurer la possibilité d’opprimer et d’asservir tous les peuples et avant tout leur propre peuple, se masquaient de l’anticommunisme, de la même manière, les cercles dirigeants d’aujourd’hui des États-Unis dissimulent leur politique d’expansion et même leur offensive contre les intérêts vitaux de leur concurrent impérialiste devenu plus faible — l’Angleterre — par des tâches de pseudo-défense anticommuniste.
La course fiévreuse aux armements, la construction de nouvelles bases et la création de places d’armes pour les forces armées américaines dans toutes les parties du monde sont justifiées par les arguments pharisiens et faux de la soi-disant « défense » contre le danger militaire imaginaire de la part de l’URSS. La diplomatie américaine agissant par les méthodes de menaces, de corruption et de chantage arrache facilement des autres pays capitalistes, et avant tout de l’Angleterre, le consentement à l’affermissement légal des positions avantageuses américaines en Europe et en Asie, dans les zones occidentales de l’Allemagne, en Autriche, en Italie, en Grèce, en Turquie, en Égypte, en Iran, en Afghanistan, en Chine, au Japon, etc.
Les impérialistes américains, se considérant comme la force principale opposée à l’URSS, aux pays de la nouvelle démocratie, au mouvement ouvrier et démocratique de tous les pays du monde, se considérant comme le bastion des forces réactionnaires, antidémocratiques du monde entier, ont entrepris littéralement, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, de dresser contre l’URSS et la démocratie mondiale un front hostile et d’encourager les forces réactionnaires, anti-populaires, les collaborationnistes et les anciennes créatures capitalistes dans les pays européens qui, libérés du joug hitlérien, ont commencé à organiser leur vie selon leur propre choix.Les politiciens impérialistes les plus enragés et déséquilibrés ont commencé, après Churchill, à dresser des plans en vue d’organiser le plus rapidement possible une guerre préventive contre l’URSS, faisant ouvertement appel à l’utilisation contre les hommes soviétiques du monopole américain temporaire de l’arme atomique. Les instigateurs de la nouvelle guerre tentant d’utiliser l’intimidation et le chantage non seulement envers l’URSS, mais aussi envers les autres pays, et en particulier, envers la Chine et l’Inde, présentent d’une façon calomnieuse l’URSS comme agresseur possible, et se présentent eux-mêmes en qualité d’ « amis » de la Chine et de l’Inde, comme « sauveurs » du danger communiste, appelés à « aider » les plus faibles. De cette façon, on accomplit la tâche de maintenir dans l’obéissance à l’impérialisme l’Inde et la Chine et de prolonger leur asservissement politique et économique.
II. NOUVELLE DISPOSITION DES FORCES POLITIQUES D’APRÈS-GUERRE ET FORMATION DES DEUX CAMPS
Les changements profonds survenus dans la situation internationale et dans la situation des différents pays, à la suite de la guerre, ont modifié tout le tableau politique du monde. Une nouvelle disposition des forces politiques s’est créée. Plus nous nous éloignons de la fin de la guerre, et plus nettement apparaissent les deux principales directions de la politique internationale de l’après-guerre, correspondant à la disposition en deux camps principaux des forces politiques qui opèrent sur l’arène mondiale : le camp impérialiste et antidémocratique d’une part, et, d’autre part, le camp anti-impérialiste et démocratique. Les États-Unis sont la principale force dirigeante du camp impérialiste. L’Angleterre et la France sont unies aux États-Unis.
L’existence du gouvernement travailliste Atllee-Bevin en Angleterre et celle du gouvernement socialiste Ramadier en France n’empêchent pas l’Angleterre et la France de marcher comme des satellites, en ce qui concerne les questions principales, dans l’ornière de la politique impérialiste des États-Unis. Le camp impérialiste est soutenu aussi par des États possesseurs de colonies, tels que la Belgique et la Hollande, et par des pays au régime réactionnaire antidémocratique, tels que la Turquie et la Grèce, ainsi que par des pays dépendant politiquement et économiquement des États-Unis, tel que le Proche-Orient, l’Amérique du Sud, la Chine.Le but principal du camp impérialiste consiste à renforcer l’impérialisme, à préparer une nouvelle guerre impérialiste, a lutter contre le socialisme et la démocratie et à soutenir partout les régimes et mouvements pro-fascistes réactionnaires et antidémocratiques. Pour réaliser ces tâches, le camp impérialiste est prêt à s’appuyer sur les forces réactionnaires et antidémocratiques dans tous les pays et à soutenir les ennemis de la guerre d’hier contre ses alliés de guerre.
Les forces anti-impérialistes et antifascistes forment l’autre camp. L’URSS et les pays de la nouvelle démocratie en sont le fondement. Les pays qui ont rompu avec l’impérialisme et qui se sont résolument engagés dans la voie du développement démocratique, tels que la Roumanie, la Hongrie, la Finlande, en font partie. Au camp anti-impérialiste adhèrent l’Indonésie, le Vietnam, l’Inde ; l’Égypte et la Syrie y apportent leurs sympathies. Le camp anti-impérialiste s’appuie dans tous les pays sur le mouvement ouvrier et démocratique, sur les Partis Communistes frères, sur les combattants du mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux et dépendants, sur toutes les forces progressives et démocratiques qui existent dans chaque pays. Le but de ce camp consiste à lutter contre les menaces de nouvelles guerres. et d’expansion impérialiste, pour l’affermissement de la démocratie et pour l’extirpation des restes du fascisme.
La fin de la Deuxième Guerre mondiale a placé les peuples épris de liberté devant l’importante tâche d’assurer une paix démocratique durable, consolidant la victoire sur le fascisme. C’est à l’Union Soviétique et à sa politique extérieure qu’appartient le rôle dirigeant dans la solution de cette tâche principale d’après-guerre. Cela provient de la nature de l’État soviétique socialiste, profondément étranger à tous les mobiles agressifs et exploiteurs, et intéressé à créer les conditions les plus favorables pour réaliser l’édification de la société communiste.
L’une de ces conditions, c’est la paix. En tant que nouveau système social supérieur, l’Union Soviétique reflète, dans sa politique extérieure, les espoirs de toute l’humanité progressive, qui aspire à une paix durable et ne peut être intéressée à une nouvelle guerre engendrée par le capitalisme. L’Union Soviétique, fidèle combattant de la liberté et de l’indépendance pour tous les peuples, est l’ennemie de l’oppression nationale et raciale, de l’exploitation coloniale sous toutes ses formes.
Le changement survenu à la suite de la Deuxième Guerre mondiale dans le rapport des forces entre le monde capitaliste et le monde socialiste de l’État soviétique a élargi le rayon de son activité politique extérieure. C’est autour de la tâche consistant à assurer la paix démocratique juste que s’est opéré le ralliement de toutes les forces du camp anti-impérialiste et antifasciste. C’est sur cette base qu’a pris naissance et que s’est renforcée la coopération amicale de l’URSS avec les pays démocratiques à l’égard de tous les problèmes de politique extérieure. Ces pays, et tout d’abord les pays de la nouvelle démocratie : la Yougoslavie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, l’Albanie, qui ont joué un rôle important dans la guerre libératrice contre le fascisme, ainsi que la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie, partiellement la Finlande, qui ont rejoint le front antifasciste — sont devenus dans l’après-guerre, de fermes combattants pour la paix, pour la démocratie, pour la liberté et l’indépendance contre toutes les tentatives faites par les États-Unis et l’Angleterre pour faire retourner leur développement en arrière et les placer de nouveau sous le joug impérialiste.
Les succès et l’augmentation du prestige international du camp démocratique ne sont pas du goût des impérialistes. Déjà, pendant la Deuxième Guerre mondiale, en Angleterre et aux États-Unis, l’activité des forces réactionnaires s’est accrue infailliblement, s’efforçant de briser l’action coordonnée des puissances alliées, de faire traîner la guerre en longueur, de saigner à blanc l’URSS et de sauver les agresseurs fascistes de la débâcle complète. Le sabotage du deuxième front de la part des impérialistes anglo-saxons, Churchill en tête, reflétait nettement cette tendance, qui n’est, au fond, que la continuation de la politique de « Munich » dans la nouvelle situation changée.Mais, tant que la guerre durait, les cercles réactionnaires d’Angleterre et des États-Unis n’osaient pas intervenir ouvertement contre l’Union Soviétique et les pays démocratiques, comprenant très bien que, dans tous les pays, la sympathie des masses populaires allait sans réserve à l’URSS et aux pays démocratiques.
Mais, dès les derniers mois qui précédèrent la fin de la guerre, la situation commença à se modifier. Déjà, au cours des pourparlers à la Conférence des Trois Puissances, à Berlin, en juillet 1945, les impérialistes anglo-américains ont montré leur désir de ne pas tenir compte des intérêts légitimes de l’URSS et des pays démocratiques. Au cours des deux dernières années, la politique extérieure de l’Union Soviétique et des pays démocratiques a été une politique de lutte pour la réalisation conséquente des principes démocratiques d’après-guerre. Les États du camp anti-impérialiste se sont montrés de fidèles et conséquents combattants pour la réalisation de ces principes, sans en dévier d’un seul point.C’est pourquoi la tâche principale de la politique extérieure des États démocratiques d’après-guerre est de lutter pour une paix démocratique, de liquider les restes du fascisme et d’empêcher une nouvelle agression fasciste impérialiste, de lutter pour l’affermissement des principes d’égalité des droits et le respect de la souveraineté des peuples, pour la réduction générale des armements et l’interdiction de tout genre d’armes de grande destruction, destinées à l’extermination en masse de la population paisible.
Dans la mise en application de toutes ces tâches, la diplomatie soviétique et la diplomatie des États démocratiques se sont heurtées à la résistance de la diplomatie anglo-américaine qui, après guerre, suit infailliblement et conséquemment une ligne visant à renoncer à tous les principes communs proclamés pendant la guerre par les Alliés pour l’organisation de la paix d’après-guerre, une ligne tendant à remplacer cette politique de paix et d’affermissement de la démocratie par une nouvelle politique ayant pour but de rompre la paix générale, d’assurer la défense des éléments fascistes et de persécuter la démocratie dans tous les pays.
L’activité commune de la diplomatie de l’URSS et de la diplomatie des États démocratiques visant à résoudre le problème de la réduction des armements et l’interdiction de l’arme la plus destructrice — la bombe atomique — a une grande signification. Sur l’initiative de l’Union soviétique, il a été fait une proposition à l’Organisation des Nations unies pour la réduction générale des armements et pour la reconnaissance, comme tâche de premier plan, de l’interdiction de la production et de l’utilisation de l’énergie atomique pour des buts de guerre. Cette proposition du Gouvernement soviétique se heurta à une résistance acharnée de la part des États-Unis et de l’Angleterre. Tous les efforts des milieux impérialistes ont été dirigés en vue de saboter cette décision. Cela s’est exprimé par toutes sortes de barrières et d’atermoiements sans fin et stériles dans l’intention d’empêcher toutes mesures pratiques effectives.
L’activité des délégués de l’URSS et de ceux des pays démocratiques dans les organes de l’Organisation des Nations unies porte un caractère de lutte quotidienne, systématique, opiniâtre en faveur des principes démocratiques de coopération internationale et pour dévoiler les intrigues des comploteurs impérialistes contre la paix et la sécurité des peuples. Cela se manifeste de façon particulièrement visible, par exemple, dans l’examen de la situation aux frontières septentrionales de la Grèce. L’Union soviétique et la Pologne sont intervenues ensemble, énergiquement, contre l’utilisation du Conseil de Sécurité un vue de discréditer la Yougoslavie, la Bulgarie, l’Albanie, faussement accusées par les impérialistes d’actes d’agression contre la Grèce.
La politique extérieure soviétique a pour point de départ le fait de la coexistence, pour une longue période, des deux systèmes, le capitalisme et le socialisme. De là découle la possibilité de coopération entre l’URSS et les pays possédant un autre système, à condition de respecter le principe de réciprocité et d’exécuter les engagements pris. On sait que l’URSS a toujours été et reste fidèle à ses engagements. L’Union soviétique a montré sa volonté et son désir de coopération. À l’Organisation des Nations unies, l’Angleterre et l’Amérique mènent une politique complètement opposée. Elles font tout pour renoncer à leurs engagements, pris antérieurement, et pour se délier les mains, afin de mener une nouvelle politique, non pas dans l’esprit de coopération des peuples, mais pour les dresser les uns contre les autres, politique visant à violer les droits et les intérêts des peuples démocratiques et à isoler l’URSS.
La politique soviétique suit la ligne d’entretien loyal des rapports de bon voisinage avec tous les États qui montrent leur désir de coopérer. L’Union soviétique a toujours été, est et sera toujours une amie fidèle et une alliée envers les pays qui sont ses véritables amis et alliés. La politique extérieure soviétique vise à une extension ultérieure de l’aide amicale de la part de l’Union soviétique à ces pays.
Défendant la cause de la paix, la politique extérieure de l’URSS rejette le principe de vengeance envers les peuples vaincus. Comme on le sait, l’URSS est pour la formation d’une Allemagne unie, éprise de liberté, démilitarisée, démocratique. Formulant la politique soviétique envers l’Allemagne, le camarade Staline a dit : « Bref, la politique de l’Union Soviétique dans le problème allemand se résume à la démilitarisation et à la démocratisation de l’Allemagne... La démilitarisation et la démocratisation de l’Allemagne sont une des plus importantes conditions pour instaurer une paix durable et solide. »Cependant, cette politique de l’État soviétique envers l’Allemagne se heurte à une résistance effrénée des milieux impérialistes des États-Unis et d’Angleterre. La session du Conseil des ministres des Affaires étrangères, qui s’est tenue à Moscou en mars-avril 1947, a montré que les États-Unis, l’Angleterre et la France sont prêts, non seulement à faire échec à la démocratisation et à la démilitarisation de l’Allemagne, mais aussi à liquider l’Allemagne en tant qu’État uni, à la démembrer et à résoudre séparément le problème de la paix.
La réalisation de cette politique s’effectue actuellement dans de nouvelles conditions, alors que l’Amérique a rompu avec l’ancien cours de Roosevelt et passe à une nouvelle politique, à une politique de nouvelles aventures militaires.
III. LE PLAN AMÉRICAIN D’ASSERVISSEMENT DE L’EUROPE
Le passage de l’impérialisme américain au cours agressif et ouvertement expansionniste depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, a trouvé son expression tant dans la politique extérieure des États-Unis que dans leur politique intérieure. Le soutien actif des forces réactionnaires et antidémocratiques dans le monde entier, la mise en échec des décisions de Potsdam visant à la démocratisation et à la démilitarisation de l’Allemagne, la protection des réactionnaires japonais, l’extension des préparatifs militaires, l’accumulation des réserves de bombes atomiques, tout cela s’accompagne d’une offensive contre les droits démocratiques élémentaires des travailleurs a l’intérieur des États-Unis.Bien que les États-Unis aient été relativement peu touchés par la guerre, la majorité écrasante des Américains ne veut pas d’une nouvelle guerre et des sacrifices et restrictions qui en découlent. Cela incite le capital monopoliste et ses serviteurs parmi les cercles dirigeants des États-Unis à chercher des moyens extraordinaires pour briser l’opposition intérieure à ce cours expansionniste et agressif, et ainsi se laisser les mains libres pour continuer à mener cette politique dangereuse.
Mais la campagne contre le communisme, proclamée par les milieux dirigeants américains, s’appuyant sur les monopoles capitalistes, aboutit, avec une inévitable logique, à la violation des droits et des intérêts vitaux des travailleurs américains, à la fascisation intérieure de la vie politique des États-Unis, à la diffusion des « théories » et notions misanthropes les plus sauvages.
Nourrissant des rêves de préparation d’une troisième guerre mondiale, les milieux expansionnistes américains sont profondément intéressés à étouffer à l’intérieur du pays toute résistance possible aux aventures extérieures, à empoisonner de chauvinisme et de militarisme les masses politiquement arriérées et peu cultivées des Américains moyens, à abrutir le petit bourgeois américain à l’aide des moyens les plus divers de propagande antisoviétique, anticommuniste, par exemple le cinéma, la radio, l’Église, la presse.
La politique extérieure expansionniste, inspirée et menée par la réaction américaine, prévoit une activité simultanée dans toutes les directions : mesures militaires stratégiques ; expansion économique ; lutte idéologique. La réalisation des plans militaires stratégiques de futures agressions est liée aux efforts pour utiliser au maximum l’appareil de production militaire des États-Unis, qui s’est accru considérablement vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
L’impérialisme américain mène une politique conséquente de militarisation du pays. Aux États-Unis, les dépenses pour l’armée et la flotte dépassent 11 milliards de dollars par an. En 1947-48, les États-Unis ont assigné pour l’entretien de leurs forces armées 35 % du budget, soit onze fois plus qu’en 1937-38. Si, au début de la Deuxième Guerre mondiale, l’armée des États-Unis occupait la 17e place de tous les pays capitalistes, actuellement elle occupe la première place. Parallèlement à l’accumulation des bombes atomiques, les stratèges américains ne se gênent pas pour dire qu’aux États-Unis se font des préparatifs pour l’arme bactériologique.
Le plan militaire stratégique des États-Unis prévoit la création, en temps de paix, de nombreuses bases et places d’armes, très éloignées du continent américain et destinées à être utilisées dans des buts d’agression contre l’URSS et les pays de la nouvelle démocratie. Les bases américaines militaires, aériennes et navales, existent ou sont de nouveau en voie de création en Alaska, au Japon, en Italie, au sud de la Corée, en Chine, en Égypte, en Iran, en Turquie, en Grèce, en Autriche et en Allemagne occidentale. Une mission militaire américaine opère en Afghanistan et même au Népal. Des préparatifs se font fiévreusement pour utiliser l’Arctique en vue d’une agression militaire.Bien que la guerre soit déjà finie depuis longtemps, l’alliance militaire entre l’Angleterre et les États-Unis subsiste encore, de même que l’état-major anglo-américain unifié des forces armées. Sous l’enseigne de la convention sur la standardisation des armements, les États-Unis ont étendu leur contrôle sur les forces armées et les plans militaires des autres pays, en premier lieu de l’Angleterre et du Canada. Sous l’enseigne de la défense commune de l’hémisphère occidental, les pays de l’Amérique latine sont en voie d’entrer dans l’orbite des plans d’expansion militaire des États-Unis. Le gouvernement des États-Unis a annoncé que sa tâche officielle était d’aider à la modernisation de l’armée turque. L’armée du Kuomintang réactionnaire fait son instruction avec des officiers américains et reçoit du matériel américain.
La clique militaire devient une force politique active aux États-Unis, dont elle fournit, sur une grande échelle, les hommes d’État et les diplomates qui suivent une ligne militariste agressive dans toute la politique du pays.
L’expansion économique des États-Unis complète d’une façon importante la réalisation du plan stratégique. L’impérialisme américain s’efforce, comme un usurier, d’exploiter les difficultés d’après-guerre des pays européens, surtout la pénurie de matières premières, de combustibles et de denrées alimentaires dans les pays alliés qui ont le plus souffert de la guerre, pour leur dicter ses conditions asservissantes de secours. En prévision de la crise économique imminente, les États-Unis s’empressent de trouver de nouvelles sphères de monopole pour l’investissement des capitaux et pour l’écoulement des marchandises. Le « secours » économique des États-Unis a pour but d’asservir l’Europe au capital américain. Plus la situation économique d’un pays est grave, plus les monopoles américains s’efforcent de lui dicter de dures conditions. Mais le contrôle économique entraîne aussi avec lui une dépendance politique de l’impérialisme américain. Ainsi, l’extension des sphères d’écoulement des marchandises américaines se combine pour les États-Unis avec l’acquisition de nouvelles places d’armes propices à la lutte contre les nouvelles forces démocratiques de l’Europe. En « sauvant » un pays de la famine et de la ruine, les monopoles américains ont le dessein de le priver de toute indépendance. L’« aide » américaine entraîne presque automatiquement des modifications de la ligne politique du pays qui reçoit cette « aide » : viennent au pouvoir des partis et des personnalités qui, obéissant aux directives de Washington, sont prêts à réaliser, dans leur politique intérieure et extérieure, le programme désiré par les États-Unis (France, Italie, etc.)
Enfin, les aspirations des États-Unis à la domination mondiale et leur ligne antidémocratique comportent aussi une lutte idéologique. La tâche principale de la partie idéologique du plan stratégique américain consiste à user du chantage envers l’opinion publique, à répandre des calomnies sur la prétendue agressivité de l’Union Soviétique et des pays de la nouvelle démocratie, afin de pouvoir ainsi présenter le bloc anglo-saxon dans le rôle d’un bloc de prétendue défense et le décharger de la responsabilité dans la préparation de la nouvelle guerre.La popularité de l’Union Soviétique à l’étranger s’est considérablement accrue pendant la Deuxième Guerre mondiale. Par sa lutte héroïque, pleine d’abnégation, contre l’impérialisme, l’Union soviétique a gagné l’amour et le respect des travailleurs de tous les pays. La puissance militaire et économique de l’État socialiste et la force indestructible de l’unité morale et politique de la société soviétique ont été démontrées clairement à la face du monde entier. Les milieux réactionnaires des États-Unis et de l’Angleterre se demandent avec souci comment dissiper l’impression inoubliable que le régime socialiste produit sur les ouvriers et les travailleurs du monde entier. Les instigateurs de guerre se rendent très bien compte que, pour envoyer les soldats combattre contre l’Union soviétique, une longue préparation idéologique est nécessaire. Dans leur lutte idéologique contre l’URSS, les impérialistes américains, qui s’orientent mal dans les problèmes politiques et montrent leur ignorance, mettent en avant tout d’abord l’image représentant l’Union Soviétique comme une force soit-disant antidémocratique, totalitaire, tandis que les États-Unis, l’Angleterre et tout le monde capitaliste sont présentés comme des démocraties. Cette plate-forme de la lutte idéologique — défense de la pseudo-démocratie bourgeoise et attribution au communisme de traits totalitaires — unit tous les ennemis de la classe ouvrière sans exception, depuis les magnats capitalistes jusqu’aux leaders socialistes de droite qui, avec un grand empressement, s’emparent de n’importe quelle calomnie antisoviétique, dictée par leurs maîtres impérialistes.
Le pivot de cette propagande fourbe réside dans l’affirmation que l’existence de plusieurs partis et d’une minorité oppositionnelle organisée serait l’indice d’une démocratie véritable. Sur cette base, les « travaillistes » anglais, ne ménageant pas leurs forces pour lutter contre le communisme, auraient voulu déceler qu’il y a, en URSS, des classes antagonistes et une lutte de partis correspondante. Ignorants en politique, ils ne peuvent pas arriver à comprendre que, depuis longtemps déjà, il n’y a plus en U.R.S.S. de capitalistes et de propriétaires fonciers, qu’il n’y a plus de classes antagonistes et, partant, qu’il ne pourrait y exister plusieurs partis. Ils auraient voulu avoir en U.R.S.S. des partis chers à leurs cœurs, des partis bourgeois, y compris des partis pseudo-socialistes, en tant qu’agence impérialiste. Mais, pour leur malheur, l’histoire a condamné ces partis bourgeois exploiteurs à disparaître.Ne ménageant pas les mots pour monter des calomnies contre le régime soviétique, les « travaillistes » et autres avocats de la démocratie bourgeoise trouvent en même temps tout à fait normale la dictature sanglante de la minorité fasciste sur le peuple en Grèce et en Turquie ; ils ferment les yeux sur les nombreuses infractions révoltantes aux normes mêmes de la démocratie formelle dans les pays bourgeois ; ils passent sous silence le joug national et racial, la corruption, l’usurpation sans cérémonie des droits démocratiques aux États-Unis.
L’une des lignes de la « campagne » idéologique qui accompagne les plans d’asservissement de l’Europe est l’attaque contre les principes de souveraineté nationale, l’appel à renoncer aux droits souverains des peuples, auxquels on oppose l’idée d’un « gouvernement mondial ». Le sens de cette campagne consiste à embellir l’expansion effrénée de l’impérialisme américain qui, sans cérémonie, porte atteinte aux droits souverains des peuples, et à présenter les États-Unis dans le rôle de champion des lois humaines, tandis que ceux qui résistent à la pénétration américaine sont présentés en partisans d’un nationalisme « égoïste » périmé. L’idée d’un « gouvernement mondial », reprise par les intellectuels bourgeois rêveurs et pacifistes, est utilisée non seulement comme moyen de pression en vue de désarmer moralement les peuples qui défendent leur indépendance contre les attentats de l’impérialisme américain, mais aussi comme mot d’ordre spécialement opposé à l’Union soviétique, qui défend infatigablement et conséquemment le principe d’une réelle égalité des droits et de la protection des droits souverains de tous les peuples grands et petits.
Dans les conditions actuelles, les pays impérialistes tels que les États-Unis, l’Angleterre et les États qui leur sont proches, deviennent des ennemis dangereux de l’indépendance nationale et de l’autodétermination des peuples, tandis que l’Union soviétique et les pays à nouvelle démocratie constituent le rempart sûr dans la défense de l’égalité des droits et de l’autodétermination nationale des peuples. Il est tout à fait caractéristique que les éclaireurs militaires et politiques américains, du genre Bullitt, les leaders syndicaux jaunes du genre Green, les socialistes français avec Blum, l’apologiste fieffé du capitalisme en tête, le social-démocrate allemand Schumacher, et les leaders travaillistes du type Bevin, collaborent étroitement à la réalisation du plan idéologique établi par l’impérialisme américain.
La « doctrine Truman » et le « plan Marshall » sont, dans les conditions actuelles aux États-Unis, l’expression concrète des efforts expansionnistes. Au fond, ces deux documents sont l’expression d’une même politique, bien qu’ils se distinguent par la forme sous laquelle y est présentée une même et seule prétention américaine d’asservir l’Europe.En ce qui concerne l’Europe, les principales lignes de la « doctrine Truman » sont les suivantes : création de bases américaines dans la partie orientale du bassin méditerranéen, afin d’affermir la domination américaine dans cette zone ; soutien démonstratif des régimes réactionnaires en Grèce et en Turquie, en tant que bastions de l’impérialisme américain contre la nouvelle démocratie dans les Balkans (aide militaire et technique à la Grèce et à la Turquie, octroi d’emprunts) ; pression ininterrompue sur les États à nouvelle démocratie, ce qui s’exprime par de fausses accusations de totalitarisme et d’aspirations expansionnistes, par les attaques contre les fondements du nouveau régime démocratique, par l’immixtion continuelle dans les affaires intérieures de ces États, par le soutien de tous les éléments antidémocratiques à l’intérieur de ces pays — éléments qui luttent contre l’État par la cessation démonstrative des rapports économiques avec ces pays en vue de créer à ces derniers des difficultés économiques, de freiner leur développement économique, de faire échec à leur industrialisation, etc. La « doctrine Truman » qui prévoit l’offre de l’aide américaine à tous les régimes réactionnaires, qui agissent de façon active contre les peuples démocratiques, porte un caractère ouvertement agressif. Sa publication a provoqué une certaine gêne même dans les milieux des capitalistes américains habitués à n’importe quoi. Aux États-Unis et dans d’autres pays, les éléments progressistes ont protesté énergiquement contre le caractère provoquant, ouvertement impérialiste, de l’intervention Truman. L’accueil défavorable qui a été fait à la « doctrine Truman » a rendu nécessaire le « plan Marshall », qui est une tentative plus voilée de mener cette même politique d’expansion. Le fond des formules voilées, embrouillées intentionnellement du « plan Marshall » consiste à former un bloc d’États liés aux États-Unis par des engagements et à offrir aux États européens des crédits américains, en paiement de la renonciation à leur indépendance économique et ensuite à leur indépendance politique. L’essentiel du « plan Marshall » est donc de reconstruire les régions industrielles de l’Allemagne occidentale, contrôlées par les monopoles américains.
Il ressort des délibérations qui se sont succédé et des interventions des hommes d’État américains que l’objet du « plan Marshall » n’est pas une offre de secours, tout d’abord aux pays vainqueurs appauvris, alliés de l’Amérique dans la lutte contre l’Allemagne, mais une offre de secours aux capitalistes allemands, afin que ceux-ci, tenant en main les sources principales de charbon et de métal nécessaires à l’Europe et à l’Allemagne, les États qui ont besoin de charbon et de métal soient placés sous la dépendance de la puissance économique de l’Allemagne en voie de restauration.
Malgré le fait que le « plan Marshall » prévoit l’abaissement de l’Angleterre, ainsi que celui de la France, à l’état de puissances de second ordre, le gouvernement travailliste d’Attlee en Angleterre et le gouvernement socialiste de Ramadier en France, se sont accrochés au « plan Marshall » comme à une planche de salut.
On sait que l’Angleterre a déjà presque dépensé l’emprunt américain de 3 750 millions de dollars qui lui fut octroyé en 1946. On sait aussi que l’Angleterre a eu les pieds et les mains liés par les conditions asservissantes de cet emprunt. Le gouvernement travailliste de l’Angleterre, serré comme dans un nœud coulant par sa dépendance financière envers les États-Unis ne voit d’autre issue, pour en sortir, que l’obtention de nouveaux emprunts. C’est pourquoi il a accueilli le « plan Marshall » comme une issue à l’impasse économique, comme une chance d’obtenir de nouveaux crédits. En outre, les hommes politiques anglais avaient compté sur la création du bloc des pays de l’Europe occidentale — pays débiteurs des États-Unis — afin d’essayer de jouer à l’intérieur de ce bloc le rôle d’un gérant en chef américain qui pourrait, à la rigueur, un tirer profit au détriment des pays faibles. La bourgeoisie anglaise avait caressé le rêve qu’en utilisant le « plan Marshall », en rendant des services aux monopoles américains et en se soumettant à leur contrôle, elle recouvrerait ses positions perdues dans certains pays et, en particulier, rétablirait ses positions dans les régions balkano-danubiennes.Afin de donner extérieurement une plus grande apparence « d’objectivité » aux propositions américaines, il avait été décidé d’inclure, au nombre des initiateurs devant préparer la réalisation du « plan Marshall », la France, qui avait déjà sacrifié à moitié sa souveraineté nationale en faveur des États-Unis, puisque l’octroi du crédit à la France, en mai 1947, de la part des États-Unis, avait été conditionné par l’éloignement des communistes du gouvernement.
Suite à la directive de Washington, les gouvernements d’Angleterre et de France avaient proposé à l’Union soviétique de participer à l’examen des propositions Marshall. Une telle démarche devait masquer le caractère hostile à l’URSS de ces propositions. Sachant bien d’avance que l’URSS se refuserait à discuter les propositions d’aide américaine selon les conditions formulées par Marshall, on avait fait le calcul d’en profiter pour essayer de mettre à la charge de l’URSS la responsabilité du « refus de contribuer à la reconstruction économique de l’Europe », et de cette façon dresser contre l’URSS les pays européens qui ont besoin d’un secours réel.
Si, par contre, l’URSS acceptait de participer aux pourparlers, il serait facile de faire tomber dans le piège de « la reconstruction économique de l’Europe avec l’aide de l’Amérique » les pays de l’Est et du Sud-Est de l’Europe. Pendant que le « plan Truman » misait sur l’intimidation terroriste de ces pays, le " plan Marshall " avait comme objectif de sonder la fermeté de leur situation économique, de tenter de les séduire et de les lier ensuite par le « secours » du dollar. Le « plan Marshall » était appelé, dans ce cas donné, à contribuer à la réalisation de l’une des tâches les plus importantes du programme américain général : restaurer le pouvoir de l’impérialisme dans les pays de la nouvelle démocratie, obliger ces pays à renoncer à leur coopération économique et politique étroite avec l’Union soviétique.
Les représentants de l’URSS, ayant consenti à examiner à Paris, avec les gouvernements de l’Angleterre et de la France, les propositions de Marshall, ont démasqué, à la Conférence de Paris, le manque de fondement de la tâche visant à l’élaboration d’un programme économique pour toute l’Europe. Ils ont dévoilé, dans la tentative de créer une nouvelle organisation européenne sous l’égide de la France et de l’Angleterre, une menace d’immixtion dans les affaires intérieures des pays européens et de violation de leur souveraineté. Ils ont démontré que le « plan Marshall » est en contradiction avec les principes normaux de coopération internationale, qu’il porte dans son sein la scission de l’Europe, la menace d’assujettissement d’un certain nombre de pays européens aux intérêts du capitalisme américain et qu’il est basé sur l’octroi préférentiel, par rapport aux Alliés, de secours aux consortiums et monopoles allemands à la reconstitution desquels le « plan Marshall » réserve avec évidence un rôle particulier en Europe. Cette position claire de l’Union soviétique a enlevé le masque au plan des impérialistes américains et de leurs commis anglo-français. La Conférence européenne a subi un échec scandaleux. Huit États européens ont refusé d’y participer.
Mais il y a eu aussi, parmi les États qui avaient accepté de participer à l’examen du « plan Marshall » et à l’élaboration de mesures concrètes pour sa réalisation, un certain nombre de pays qui n’ont pas fait un accueil particulièrement enthousiaste à ce « plan », d’autant plus qu’on s’est bientôt aperçu que les suppositions de l’URSS étaient entièrement justes, c’est-à-dire que ce plan est loin de comporter une aide effective et réelle. Il se trouve que le gouvernement des États-Unis ne se presse pas du tout de réaliser les promesses de Marshall. Des personnalités politiques américaines du Congrès ont reconnu que ce dernier ne discuterait pas avant 1948 les nouvelles sommes allouées pour les crédits promis à quelques pays européens. Ainsi, il est devenu évident que l’Angleterre, la France et d’autres États de l’Europe occidentale, qui ont accepté le « schéma parisien de réalisation » du « plan Marshall », sont tombés eux-mêmes victimes du chantage américain.
Cependant, les tentatives de former un bloc occidental sous l’égide de l’Amérique continuent. Il faut noter que la variante américaine du bloc occidental ne peut pas ne pas rencontrer de sérieuses oppositions, même dans les pays qui dépendent déjà des États-Unis, tels que l’Angleterre et la France. La perspective de restaurer l’impérialisme allemand en tant que force réelle capable de s’opposer à la démocratie et au communisme en Europe ne peut séduire ni l’Angleterre ni la France.
Nous nous trouvons là en présence d’une des principales contradictions intérieures du bloc Angleterre-États-Unis-France. Visiblement, les monopoles américains, comme toute la réaction internationale, n’estiment pas que Franco ou encore les fascistes grecs soient un rempart un tant soit peu sûr des États-Unis contre l’URSS et les nouvelles démocraties en Europe. C’est pourquoi ils nourrissent des espoirs particuliers sur la restauration de l’Allemagne capitaliste, considérant qu’elle constituerait la plus importante garantie pour le succès de la lutte contre les forces démocratiques en Europe. Ils n’ont confiance ni dans les « travaillistes » en Angleterre, ni dans les socialistes en France, estimant que, malgré toute leur complaisance, ils sont des « semi-communistes » n’ayant pas suffisamment mérité la confiance. C’est pourquoi la question allemande, et en particulier celle du bassin de la Ruhr, base du potentiel militaire et industriel du bloc hostile à l’URSS, est la plus importante de la politique internationale et fournit un sujet de litige entre les États-Unis, l’Angleterre et la France. Les appétits des impérialistes américains ne peuvent pas ne pas provoquer de sérieuses inquiétudes en Angleterre et en France. Les États-Unis ont fait comprendre d’une manière non équivoque qu’ils veulent prendre la Ruhr aux Anglais. Les impérialistes américains exigent aussi la fusion des trois zones d’occupation et veulent établir ouvertement l’isolement politique de l’Allemagne occidentale sous le contrôle américain. Les États-Unis insistent pour que le niveau de production de l’acier soit élevé dans le bassin de la Ruhr sur la base du maintien des entreprises capitalistes sous l’égide des États-Unis. Les crédits promis par Marshall pour la reconstruction de l’Europe sont compris à Washington de préférence comme aide aux impérialistes allemands.
Ainsi apparaît le « bloc occidental » qu’est en train de forger l’Amérique, non d’après le modèle du plan Churchill des États-Unis d’Europe, qui fut conçu comme instrument de la politique anglaise, mais comme protectorat américain dans lequel les États souverains d’Europe, y compris l’Angleterre elle-même, auront à jouer un rôle qui n’est pas si éloigné du rôle du fameux « 49e État d’Amérique ». L’impérialisme américain traite l’Angleterre et la France de plus en plus insolemment et cyniquement. Les délibérations à deux et à trois sur les problèmes concernant la fixation du niveau de production industrielle de l’Allemagne occidentale (Angleterre-États-Unis, États-Unis-France), qui enfreignent arbitrairement les décisions de Potsdam, prouvent en même temps que les États-Unis ne tiennent nullement compte des intérêts vitaux de leurs partenaires en pourparlers. L’Angleterre, et surtout la France sont obligées d’entendre le diktat américain et de l’accepter avec résignation.
La conduite de la diplomatie américaine à Londres et à Paris, sous maints aspects, rappelle celle que l’on observe en Grèce, où les représentants américains n’estiment plus du tout nécessaire de respecter les convenances, nomment et déplacent comme bon leur semble les ministres grecs et se conduisent en conquérants. Ainsi, le nouveau plan de « dawisation » de l’Europe est, au fond, dirigé contre les intérêts fondamentaux des peuples d’Europe ; c’est un plan d’asservissement et d’assujettissement de l’Europe aux États-Unis. Le « plan Marshall » est dirigé contre l’industrialisation des pays démocratiques de l’Europe et, par conséquent, contre les fondements de leur indépendance.En son temps, le plan de « dawisation » de l’Europe fut mis en échec, alors que les forces de la résistance au plan Dawes étaient bien inférieures à celles d’aujourd’hui. Maintenant, dans l’Europe d’après-guerre, il existe un nombre parfaitement suffisant de forces, sans parler de l’Union soviétique, qui, si elles manifestent leur volonté et leur décision, peuvent faire échec à ce plan d’asservissement. Il n’est question pour les peuples d’Europe que de faire preuve de volonté de résistance, d’être prêts à la résistance. En ce qui concerne l’URSS, elle mettra toutes ses forces à empêcher la réalisation de ce plan.
L’appréciation que les pays du camp anti-impérialiste ont donnée du « plan Marshall » a été entièrement confirmée par la marche des événements. Le camp des pays démocratiques s’est montré vis-à-vis du « plan Marshall » comme une force puissante qui veille à la sauvegarde de l’indépendance et de la souveraineté de tous les peuples européens, une force qui ne se laisse pas influencer par le chantage et l’intimidation, et qui, de même, ne se laisse pas tromper par les fausses manœuvres de la diplomatie du dollar. Le gouvernement soviétique n’a jamais fait d’objection à l’utilisation de crédits étrangers, en particulier américains, en tant que moyen capable d’accélérer le processus de la reconstruction économique. Cependant, l’Union soviétique s’en tient toujours à ce principe que les conditions de crédit ne portent pas un caractère d’asservissement, ne conduisent pas à l’asservissement économique et politique de l’État débiteur par l’État créditeur. Ayant comme point de départ cette orientation politique, l’Union soviétique a toujours défendu la position suivant laquelle les crédits étrangers ne doivent pas être l’instrument principal de la reconstitution de l’économie du pays. La condition fondamentale et décisive de la reconstruction économique doit consister dans l’utilisation des ressources intérieures de chaque pays et dans la création de sa propre industrie. Sur une telle base seulement peut être assurée l’indépendance du pays contre les atteintes de la part du capital étranger qui manifeste constamment sa tendance à utiliser le crédit comme instrument d’asservissement politique et économique.
Tel est précisément le « plan Marshall », dirigé contre l’industrialisation des pays européens et visant, par conséquent, à saper leur indépendance.
IV. LES TÂCHES DES PARTIS COMMUNISTES POUR LE RASSEMBLEMENT DE TOUS LES ÉLÉMENTS DÉMOCRATIQUES, ANTIFASCISTES ET AMIS DE LA PAIX, DANS LA LUTTE CONTRE LES NOUVEAUX PLANS DE GUERRE ET D’AGRESSION
L’Union soviétique défend inlassablement la thèse que les rapports politiques et économiques réciproques entre les différents États doivent s’édifier exclusivement sur les principes d’égalité des droits de chaque État et le respect réciproque de leur souveraineté. La politique extérieure soviétique, et en particulier les rapports économiques soviétiques avec les États étrangers sont basés sur le principe d’égalité des droits, assurant dans les accords conclus des avantages bilatéraux. Les traités avec l’URSS constituent des accords réciproquement avantageux pour les parties contractantes.Ils ne contiennent jamais rien qui pourrait porter atteinte à l’indépendance de l’État, à la souveraineté nationale des parties contractantes. Cette distinction fondamentale des accords de l’URSS avec les autres États saute nettement aux yeux, surtout maintenant à la lumière des accords injustes, basés sur l’inégalité des droits, que les États-Unis concluent et préparent. La politique commerciale extérieure de l’Union soviétique ne connaît pas d’accords fondés sur l’inégalité des droits. Bien plus, le développement des rapports économiques de l’URSS avec tous les États intéressés montre sur quelle base doivent s’établir des rapports normaux entre les États. Il suffit de rappeler les traités que l’URSS a conduis récemment avec la Pologne, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, la Hongrie, la Bulgarie et la Finlande. L’URSS montre ainsi clairement les voies dans lesquelles l’Europe peut trouver une issue à sa situation économique difficile. L’Angleterre pourrait bénéficier d’un tel traité si le gouvernement travailliste, subissant la pression du dehors, n’avait pas laissé tomber l’accord en préparation avec l’URSS. C’est un mérite indiscutable de la politique extérieure de l’URSS et des pays de la nouvelle démocratie d’avoir démasqué le plan américain d’asservissement économique des pays européens.
Il faut, en outre, tenir compte de la circonstance suivante : l’Amérique elle-même se trouve devant la menace d’une crise économique. La générosité officielle de Marshall a ses propres causes sérieuses. Si les pays européens ne reçoivent pas de crédits américains, la demande de marchandises américaines de la part de ces pays va diminuer, ce qui contribuera de son côté à accélérer et à renforcer la crise économique qui s’approche aux États-Unis. C’est pourquoi, si les pays européens font preuve de la maîtrise nécessaire et de la volonté de résister aux conditions asservissantes de crédit, l’Amérique pourra se voir obligée de reculer.
La dissolution du Komintern, répondant aux exigences du développement du mouvement ouvrier dans les conditions de la nouvelle situation historique, a joué son rôle positif. Par la dissolution du Komintern, il a été mis fin pour toujours à la calomnie répandue par les adversaires du communisme et du mouvement ouvrier, à savoir que Moscou s’immisce dans la vie intérieure des autres États et que, soi-disant, les Partis Communistes des différents pays n’agissent pas dans l’intérêt de leur peuple, mais d’après les ordres du dehors. Le Komintern avait été créé après la Première Guerre mondiale, quand les Partis Communistes étaient encore faibles, quand la liaison entre la classe ouvrière des différents pays était presque inexistante et quand les Partis Communistes n’avaient pas encore de dirigeants du mouvement ouvrier généralement reconnus. Le Komintern eut le mérite de rétablir et de raffermir les relations entre les travailleurs des différents pays, d’élaborer les positions théoriques du mouvement ouvrier dans les nouvelles conditions du développement d’après-guerre, d’établir les règles communes d’agitation et de propagande des idées du communisme et de faciliter la formation des dirigeants du mouvement ouvrier. Ainsi ont été créées les conditions de la transformation des jeunes Partis Communistes en partis ouvriers de masse.Cependant, à partir du moment où les partis communistes se transformèrent en partis ouvriers de masse, leur direction provenant d’un centre devenait impossible et non conforme au but. On est arrivé à ceci que le Komintern, de facteur aidant au développement des partis communistes, avait commencé à se transformer en facteur freinant ce développement. La nouvelle phase de développement des partis communistes exigeait de nouvelles formes de liaison entre les Partis. Ce sont ces circonstances qui ont déterminé la nécessité de la dissolution du Komintern et de l’organisation de nouvelles formes de liaison entre les partis.
Pendant les quatre années qui se sont écoulées depuis la dissolution du Komintern, on enregistre un renforcement considérable des partis communistes, une extension de leur influence dans presque tous les pays de l’Europe et de l’Asie. L’influence des partis communistes s’est accrue non seulement dans les pays de l’Europe orientale, mais également dans presque tous les pays de l’Europe qui avaient connu la domination fasciste, ainsi que dans les pays comme la France, la Belgique, les Pays-Bas, la Norvège, le Danemark, la Finlande, etc., qui avaient connu l’occupation fasciste allemande. L’influence des communistes s’est renforcée tout particulièrement dans les pays de la nouvelle démocratie, où les Partis Communistes sont devenus les partis les plus influents de ces États.
Pourtant, dans la situation actuelle des Partis Communistes, il y a aussi des faiblesses propres. Certains camarades avaient considéré la dissolution du Komintern comme signifiant la liquidation de toutes les liaisons, de tout contact entre les partis communistes frères. Or, comme l’expérience l’a démontré, une pareille séparation des partis communistes n’est pas juste, mais nuisible et foncièrement contre nature. Le mouvement communiste se développe dans les cadres nationaux, mais, en même temps, il est placé devant des tâches et des intérêts communs aux partis communistes des différents pays.
En fait, on se trouve devant un tableau bien étrange : les socialistes, qui se démènent farouchement pour prouver que le Komintern avait soi-disant dicté des directives de Moscou aux communistes de tous les pays, ont reconstitué leur Internationale, tandis que les communistes s’abstiennent de se rencontrer, et encore plus, de se consulter sur les questions qui les intéressent mutuellement, et tout cela par crainte de la calomnie des ennemis au sujet de la « main de Moscou ».
Les représentants des différentes branches d’activité — les savants, les coopérateurs, les militants syndicaux, les jeunes, les étudiants — estiment qu’il est possible d’entretenir entre eux un contact international, de faire des échanges de leurs expériences et de se consulter sur les questions concernant leurs travaux, d’organiser des conférences et des délibérations internationales, tandis que les communistes, même ceux des pays qui ont des relations d’alliés, se sentent gênés d’établir entre eux des relations d’amitié. Il n’y a pas de doute que pareille situation, si elle se prolonge, ne soit grosse de conséquences très nuisibles au développement du travail des partis frères.Ce besoin de consultation et de coordination libre des activités des différents partis est devenu particulièrement pressant, surtout maintenant, alors que la continuation de l’éparpillement pourrait conduire à l’affaiblissement de la compréhension réciproque et parfois même à des erreurs sérieuses. L’absence de liens entre nous, qui résulte dans un isolement mutuel, affaiblit indubitablement nos forces. En particulier, si on parle d’erreurs, il nous faut faire référence aux erreurs commises par les dirigeants des Partis Communistes de France et d’Italie envers la nouvelle campagne de l’impérialisme américain contre la classe ouvrière.
La direction du parti communiste français n’a pas démasqué et ne démasque pas de façon adéquate pour le peuple de son pays le plan Truman-Marshall, le plan américain d’esclavage de l’Europe, et de la France en particulier. Le départ des communistes du gouvernement Ramadier a été traité par le parti communiste comme un événement domestique, alors que la véritable raison de l’expulsion des communistes du gouvernement était que celle-ci avait été exigée par l’Amérique. Il est à présent devenu assez évident que l’expulsion des communistes du gouvernement était la condition préalable pour que la France reçoive des crédits américains. Un crédit américain de 250 millions de dollars était le prix modeste payé par la France pour renoncer à sa souveraineté nationale.
Comment le Parti communiste français a-t-il réagi face à cet acte honteux des cercles dirigeants de France qui ont vendu la souveraineté nationale du pays ? Au lieu de dénoncer comme honteuse, comme une trahison de la défense de l’honneur et de l’indépendance de la patrie, la conduite des autres partis, socialistes inclus, le Parti Communiste français a réduit la question à un problème de violation des pratiques démocratiques, qui s’exprimait par un empiétement sur les droits du parti le plus nombreux au Parlement français, alors que la violation de la tradition parlementaire était, dans ce cas, simplement le prétexte et non la cause.
Cet étouffement des raisons réelles pour lesquelles les communistes ont été exclus du gouvernement constitue sans aucun doute une erreur sérieuse de la part de la direction du Parti communiste français, et soit était dû à une mauvaise compréhension de la situation, et il est difficile de supposer que ça ait été le cas, soit les communistes français se sont laissés intimider par des arguments sur les intérêts « nationaux » de la France. Apparemment, les communistes craignaient qu’ils puissent être accusés de constituer un obstacle à l’octroi par l’Amérique d’un crédit à la France, et ainsi, de soi-disant nuire aux intérêts de leur pays. De cette manière, les communistes ont cédé à un chantage qui leur reprochait de ne pas être suffisamment patriotique alors que la seule force patriotique en France aurait été le Parti communiste, s’il avait démasqué la signification réelle du crédit américain, qui avait été conditionné à une modification de la composition du Gouvernement par l’exclusion des communistes, ce qui, partant, affaiblissait la souveraineté même de la France. À cette occasion, le Parti communiste français a cédé à la pression de la réaction, même s’il savait que cette pression était dictée par des forces impérialistes hostiles au peuple français.
Les communistes français auraient dû se présenter fièrement devant le peuple, dévoilant le rôle de l’impérialisme américain qui avait ordonné à la France d’expulser les communistes du Gouvernement national et expliquer au peuple qu’il ne s’agissait pas simplement d’une autre « crise gouvernementale », pas d’une simple violation des traditions parlementaires (bien que cela soit aussi significatif en tant que caractéristique de la crise de la démocratie bourgeoise), mais d’un cas d’ingérence étrangère dans les affaires françaises, une abrogation de l’indépendance politique de la France, une vente de la souveraineté de la nation par les socialistes français. Il est déplorable que les dirigeants responsables des communistes français aient échoué jusqu’ici à expliquer au peuple français et à l’opinion publique mondiale dans son ensemble la cause sous-jacente de ces événements qui ont eu lieu en France, et le rôle honteux joué dans cette question par les socialistes français.
Les communistes français ont accusé les socialistes de « glissement vers la droite ». Mais quel glissement vers la droite peut-il y avoir eu ? Blum a-t-il jamais été de gauche ? Nous savons que Blum n’a jamais été de droite ni de gauche mais a toujours été, est et restera un serviteur loyal de la bourgeoisie, une courroie de transmission de l’influence de celle-ci dans le mouvement ouvrier. En conséquence, il ne saurait glisser nulle part, et les camarades français ont évidemment échoué à discerner suffisamment clairement les manœuvres des dirigeants socialistes.
La triste expérience de la France a servi de signal pour une « crise gouvernementale » en Italie. Exactement comme en France, la source principale de cette « crise gouvernementale », créée artificiellement, était la question d’un crédit américain et la présentation par les cercles impérialistes américains, comme un préliminaire à celui-ci, d’une exigence d’expulsion des communistes du gouvernement. La presse italienne de droite a dévoilé ce secret sans vraiment de honte. « Si nous voulons vivre, écrivait le journal de droite italien Buon Senso, nous devons obtenir un prêt des USA. » De cela, le journal tirait la conclusion : « la crise doit être résolue de façon à nous permettre de recevoir le crédit dont nous avons besoin. Les arguments contraires sont sans fondement. Nous devons comprendre ce qui s’est passé en France, où les socialistes ont rompu avec les communistes et où ces derniers se sont laissés expulser des postes ministériels sans faire de scandale. »
L’annonce de la décision de De Gasperi d’expulser les représentants du Parti communiste italien du Gouvernement a provoqué les masses et a causé de multiples protestations. Mais malheureusement, on n’a pas soutenu ni dirigé suffisamment cette initiative des masses. La conclusion qu’il faut tirer est que, en Italie comme en France, en surestimant les forces de la réaction, les communistes ont été les victimes de l’intimidation et du chantage impérialiste. Ils ont sous-estimé leurs propres forces, les forces de la démocratie, la volonté des masses de défendre les droits nationaux et intérêts fondamentaux de leurs pays. C’est d’autant plus décevant que tant les partis communistes français qu’italien ont démontré, dans des conditions difficiles, leur capacité à rallier autour de la bannière communiste les larges masses de la classe ouvrière, les paysans pauvres et l’intelligentsia.Puisque la plus grande partie des dirigeants des partis socialistes (surtout les travaillistes anglais et les socialistes français) se comporte comme agents de cercles impérialistes des États-Unis d’Amérique, c’est aux partis communistes qu’incombe le rôle historique particulier de se mettre à la tête de la résistance au plan américain d’asservissement de l’Europe et de démasquer résolument tous les auxiliaires intérieurs de l’impérialisme américain.
En même temps, les communistes doivent soutenir tous les éléments vraiment patriotiques qui n’acceptent pas de laisser porter atteinte à leur patrie, qui veulent lutter contre l’asservissement de leur patrie au capital étranger et pour la sauvegarde de la souveraineté nationale de leur pays.
Les communistes doivent être la force dirigeante qui entraîne tous les éléments antifascistes épris de liberté à la lutte contre les nouveaux plans expansionnistes américains d’asservissement de l’Europe.Il importe de considérer qu’il y a très loin du désir des impérialistes de déclencher une nouvelle guerre à la possibilité d’organiser une telle guerre. Les peuples du monde entier ne veulent pas la guerre. Les forces attachées à la paix sont si grandes et si puissantes qu’il suffirait qu’elles fassent preuve de ténacité et de fermeté dans la lutte pour le défense de la paix pour que les plans des agresseurs subissent un fiasco total.
Il ne faut pas oublier que le bruit fait par les agents impérialistes autour des dangers de guerre tend à intimider les gens sans fermeté ou ceux à nerfs faibles, afin de pouvoir, au moyen du chantage, obtenir des concessions en faveur de l’agresseur. Actuellement, le danger principal pour la classe ouvrière consiste en la sous-estimation de ses propres forces et en la surestimation des forces de l’adversaire. De même que, dans le passé, la politique munichoise a encouragé l’agression hitlérienne, de même aujourd’hui, les concessions à la nouvelle orientation des États-Unis d’Amérique et du camp impérialiste, peuvent inciter ses inspirateurs à devenir plus insolents et plus agressifs.
C’est pourquoi les partis communistes doivent se mettre à la tête de la résistance dans tous les domaines — gouvernemental, économique et idéologique — aux plans impérialistes d’expansion et d’agression. Ils doivent serrer leurs rangs, unir leurs efforts sur la base d’une plate-forme anti-impérialiste et démocratique commune, et rallier autour d’eux toutes les forces démocratiques et patriotiques du peuple.
Une tâche particulière incombe aux partis communistes frères de France, d’Italie, d’Angleterre et des autres pays. Ils doivent prendre en main le drapeau de la défense de l’indépendance nationale et de la souveraineté de leurs propres pays. Si les Partis Communistes frères restent fermes sur leurs positions, s’ils ne se laissent pas influencer par l’intimidation et le chantage, s’ils se comportent résolument en sentinelles de la paix durable et de la démocratie populaire, de la souveraineté nationale, de la liberté et de l’indépendance de leur pays, s’ils savent, dans leur lutte contre les tentatives d’asservissement économique et politique de leur pays, se mettre à la tête de toutes les forces disposées à défendre la cause de l’honneur et de l’indépendance nationale, aucun des plans d’asservissement de l’Europe ne pourra être réalisé.
Parce que l’Union soviétique se tient à la tête de la résistance aux nouvelles tentatives d’expansion impérialiste, les Partis Communistes frères doivent partir de la considération suivante : tout en renforçant leur situation politique dans leurs propres pays, c’est en même temps dans leur intérêt de renforcer la puissance de l’Union soviétique, comme bastion principal de la démocratie et du socialisme. Cette politique de soutien à l’Union soviétique, en tant que force dirigeante dans la lutte pour une paix ferme et durable, dans la lutte pour la démocratie, doit être poursuivie par les partis communistes de façon honnête et franche. Il faut souligner aussi fermement que possible que les efforts des partis communistes frères pour renforcer l’URSS coïncident avec les intérêts vitaux de leurs propres pays. Il est impossible d’accepter comme correcte l’insistance constante de certaines figures dirigeantes des partis communistes frères sur leur indépendance vis-à-vis de Moscou. Il ne s’agit pas d’une question d’indépendance, car Moscou n’a mis et ne souhaite mettre personne dans une situation de dépendance. L’insistance délibérée sur cette « indépendance » de Moscou, ce « renoncement » de Moscou, revient essentiellement à de la servilité, à de l’opportunisme envers ceux pour qui Moscou est l’ennemi. Les partis communistes ne doivent pas avoir peur de proclamer bruyamment qu’ils soutiennent la politique pacifiste et démocratique de Moscou, ils ne doivent pas avoir peur de déclarer que la politique de l’Union soviétique coïncide avec les intérêts des autres peuples épris de paix.
Il faut aussi faire mention des erreurs « de gauche », si on peut utiliser ce terme, liées à la critique de l’aide soi-disant insuffisante offerte par l’Union soviétique aux pays amis, et à l’affirmation d’exigences non fondées concernant l’étendue de cette aide. Des erreurs de ce type ont été commises, en particulier dans les pays de nouvelle démocratie comme la Yougoslavie, et se manifestent par des déclarations selon lesquelles l’URSS, soi-disant sur base de considérations de haute politique, non désireuse d’endommager ses relations avec les grandes puissances, ne lutte pas avec suffisamment d’énergie pour soutenir les demandes des petits pays, en particulier la Yougoslavie. Une critique comme celle-là naît de la sous-estimation de la grande importance et du grand rôle de l’Union soviétique, qui ne peut pas et ne doit pas disperser des forces qui sont nécessaires pour des conflits plus importants.
Les exigences envers l’Union Soviétique selon lesquelles elle devrait, partout et dans tous les cas, soutenir n’importe quelle demande, même au prix d’amoindrir ses propres positions, sont sans fondement.
Andreï Aleksandrovitch Jdanov, Rapport sur la situation internationale, 22 septembre 1947.
Source : http://classiques.chez-alice.fr/staline/jdanov1.html#nt1